23 juin 2022 Par admin

Retour à la nature pour le pigeon

Débutant:
Quand je lis dans les journaux colombophiles la publicité pour tous les produits qu’on doit donner aux pigeons pour réussir, je perds le “nord”. Et le pigeon, dans tout cela, doit-on le considérer sans valeur s’il n’est pas “assisté par tout ce qu’on serait obligé de lui donner pour qu’il puisse se défendre honorablement? Qu’en penses-tu?

Victor:
Excellente question qui en pose une autre: tous les produits sont-ils conseillés dans le but d’aider le pigeon ou d’enrichir les firmes qui les vendent? Il est grand temps d’y réfléchir et de se poser cette autre question: la santé “naturelle” a-t-elle disparue? On aurait tendance à le croire!
D’accord: les pigeons ne vivent plus comme il y a plus d’un demi-siècle. Je me souviens qu’alors les pigeons allaient chercher dans la nature, les champs, les plages ce qu’un instinct infaillible les poussait à chercher ce qu’ils ne trouvaient pas au colombier. Les pigeons actuellement, à de rares exceptions près, ne vont plus “dans la nature”. Pourquoi?

Débutant:
Je sais que tu te poses toujours la question “pourquoi”. Tu es à la recherche des causes qui conditionnent chaque comportement de nos pigeons. Et tu pars du principe que les instincts sont infaillibles, que le colombophile peut se tromper, le pigeon pas.

Victor:
Le “pourquoi’ pour lequel les pigeons font encore peu le champ, on le trouve dans le fait que le colombophile a mis à leur disposition au colombier une grande partie de ce qu’ils vont chercher dans la nature, c.-à-d. les minéraux, les vitamines et aussi, ne l’oublions pas, un surplus d’oxygène pur dont ils ne disposent pas toujours dans leur colombier.

Débutant:
Tu parles d’oxygène, là tu exagères, car dans un bon colombier il y a suffisamment d’oxygène si celui-ci est bien aéré.

Victor:
Oui, mais il y a mal aéré, bien aéré et très bien aéré. Je crois que c’est très important. Et ici je voudrais te raconter une histoire. Mon fils Frans, qui a parfois d’excellentes idées, avait dans les années soixante, quelques pigeons dans un tout petit colombier à la Station d’Elevage. Ses pigeons s’y classaient très bien, mais il interdisait toute visite à son petit colombier, fermé à clef. Les circonstances firent en sorte qu’il dut abandonner ce colombier. Mais je lui demandai: quel est ton secret pour mettre tes pigeons en “si belle forme? C’est simple, me répondit-il: je n’ai que quatre pigeons à jouer, regarde comme ils sont rouges sur le corps… mon truc, je les mets, avant l’enlogement, un jour dans une tente à oxygène, également le lendemain du concours.
Mes yeux se sont ouverts, et j’ai pu apprécier le rôle primordial, pour la forme du pigeon, de la qualité de l’oxygène. Cette petite histoire, cher ami, illustre l’importance d’un bon colombier.

Débutant:
Cette histoire m’en rappelle une autre. J’ai assisté un jour à l’arrivée au somet du terrible Mont Ventoux dans le Tour de France. Le français Thévenet arriva un peu détaché au sommet, devançant Eddy Merckx et Luis Ocania. Il était tellement épuisé qu’on le mit immédiatement dans une “tente à oxygène”! Frans n’était donc pas si bête que cela!

Victor:
Mais revenons à nos moutons. Lorsque le pigeon réside dans un colombier parfait bien situé, il ne doit pas être “assisté” par toutes sortes de produits. La “sur-santé” et donc la forme, c’est pour 90% le colombier qui en est la cause. Les exemples pullulent. Un fait est aussi honorable qu’un lord anglais, a-t-on coutume de dire. C’est exact. Notre raison, notre intelligence peuvent se tromper, mais très rarement nos observations par nos sens.
En philosophie c’est l’éternel dispute entre les rationalistes et les positivistes. Le colombophile fait bien d’adhérer aux derniers. Quant à moi, j’ai été à l’école, en tant que colombophile, dans ma jeunesse, chez Gust De Feyter le fameux manager du colombier Evrard Havenith de Hoboken qui fut pendant un demi siècle un des plus forts du pays.
Gust recevait 25 % des bénéfices que remportaient les pigeons. Gust me confia un jour que ses bénéfices étaient élevés aux concours des mois d’avril, mai et juin, mais qu’en juillet la grande forme s’était envolée et aussi les 25%! Notre colombier disait-il est orienté au sud, donc une forme précoce. La grande forme ne dure pas toute une saison…. à moins que…

Débutant:
C’est intéressant, mais ce “à moins que” signifie quand même qu’il y a des exceptions. Lesquelles?

Victor:
Comme, par exemple, dans les premiers colombiers d’Huyskens-Van Riel, les “cannibales” de l’Union à Anvers. Ils avaient deux petits colombiers, un vers le sud, l’autre vers l’est, située sur une remise, où Jef allumait parfois un vieux poêle pour réchauffer le dessous des colombiers. En début de sa saison l’équipe du colombier orienté vers le sud arrivait avant ceux du colombier orienté vers l’est. Mais au fur et à mesure que l’été avançait, le contraire se produisait, et les pigeons du colombier orienté vers l’est étaient les “meilleurs”!
Jef croyait avoir tiré des leçons de cette expérience, en construisant sa nouvelle maison en forme courbée, croyant ainsi résoudre le problème “est-sud”.
Il habitait en bas, en dessous des colombiers. Ses résultats y furent excellents, mais Jef me confia cependant: la toute grande forme, comme nous l’avons connue dans nos deux premiers colombiers, nous ne l’avons pas obtenue dans les nouveaux colombiers. Je sais maintenant que la toute grande forme est passagère.

Débutant:
A méditer! Et cela doit me convaincre qu’on ne peut forcer la nature par tout ce qu’on tâche de nous faire donner à nos pigeons. Aidons-les donc par des produits naturels. En dehors de cela je n’oublie pas ce que ton ami Georges Fabry disait: la meilleure drogue est une semaine supplémentaire de repos.

Victor:
Et cela mon cher ami, est “tout à fait” naturel! Un grand savant n’a-t-il pas dit: si on veut commander à la nature, il faut lui obéir!

Noël De Scheemaecker

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