Les pigeons ni au naturel ni au veuvage
16 février 2021 Par admin

Les pigeons qui ne tombent ni au naturel, ni au veuvage

Les Pigeons Qui Ne Tombent Ni Au Naturel Ni Au Veuvage | Anecdotes Et Souvenirs Colombophiles

Monsieur Van Tuyn, un champion de Merksem, dont vous entendrez encore parler dans “Le Sport Colombophile”, pour la bonne raison qu’il sait beaucoup de choses, nous a répondu ceci, la semaine dernière, parce que nous lui disions que nous redoutions sa concurrence: “Tant que cela va bien et que tout semble aller pour le mieux, vous n’avez pas à me craindre, mais si, au contraire, cela n’allait pas et si les pigeons ne donnaient pas satisfaction… alors seulement, je me mettrais en action et je me remuerais jusqu’à ce que cela aille mieux que jamais ll n’y a qu’alors qu’on doit avoir peur de moi, dans des circonstances où la plupart des autres se laisseraient aller au découragement !”
J’ai retenu ces mots, chers lecteurs, et si je les reproduis ici, c’est parce que je pense que beaucoup pourront en tirer une bonne leçon. Je sais bien que la malchance peut frapper très fort, surtout quand le temps se met de la partie comme cette année où il est presque impossible de maintenir un yearling dans la bonne direction, tandis que la plupart des vieux pigeons sont fourbus après un couple de mauvais voyages, et perdent leur forme. Les pratiquants du veuvage surtout se plaignent, et avec raison, de ce que leurs oiseaux tardent tant à muer leur première plume – moment critique – que beaucoup de pigeons attendent pour venir en forme (1). Les partisans du naturel ne l’ont pas eu facile non plus, avec la poussée difficile des jeunes, par ce mois de mai glacial et avec la mise hors forme des parents, suite au mauvais développement de leur progéniture. Sans parler du danger croissant des empoisonnements en campagne, danger auquel le veuvage seul peut remédier radicalement, attendu qu’il est infiniment rare de voir un veuf filer aux champs (2). Nous savons aussi que la moitié au moins des colombophiles doit jouer mal… parce que l’autre moitié joue mieux et que tous les pigeons enlogés ne peuvent faire prix. Mais néanmoins, notre voeu le plus sincère est que tous les lecteurs du “Sport Colombophile” soient au nombre des bons. En tout cas, nous ferons notre possible pour cela et nous nous efforcerons de vous aider au mieux. Celui qui se donne la peine de suivre nos conseils, doit bien jouer, si ses pigeons s’y prêtent quelque peu. Malheureusement, il y a beaucoup plus de bons pigeons que de bons amateurs (3). A ce point de vue, le moral de l’amateur joue un grand rôle. Ce qui peut lui arriver de pire, en cas d’insuccès, c’est le découragement. On commence par croire qu’on ne peut plus y arriver, qu’il n’y a rien à faire contre Jean ou Pierre, et, au lieu de mieux soigner ses pigeons quand ils tombent mal, on laisse aller les choses, avec comme conséquence, la méforme complète des oiseaux. Incompréhensible est la façon d’agir de certains colombophiles qui ne s’occupent pas des retardataires, alors que ce sont précisément ces pigeons qui requièrent le plus de soins pour se retaper. Dans ses souvenirs de la guerre mondiale, le général allemand Ludendorff a écrit au sujet de la bataille de Verdun, qui s’est terminée par une brillante victoire pour les Français et les Alliés, “que ce n’est pas seulement la force brutale d’une armée qui compte, sinon les Allemands auraient dû écraser les autres, mais que le moral est également une grande force, un levier aux possibilités illimitées. C’est avec ce levier que les Français ont réussi, parce qu’ils se sont battus à corps perdu et qu’ils ne se sont pas rendus pour la seule raison qu’ils ne voulaient pas se rendre.”
Le colombophile non plus ne doit pas se rendre, surtout pas pour un ennemi imaginaire. Car, il faut le reconnaître, on entend partout des paroles de découragement, pour la raison qu’on croit trop fort les veuvagistes, tandis qu’on oublie que s’il y a dix amateurs sur cent qui jouent le veuvage, un seul réussit. Pourquoi ? Parce qu’il a de meilleurs pigeons et qu’il applique bien le système.
Ce qu’il faut craindre, ce n’est pas le veuvage, ce sont les bons pigeons. Beaucoup de fédérations prennent des mesures contre le veuvage. A mon avis, cela ne servira à rien… à moins qu’on ne prenne en même temps des mesures contre les bons pigeons. Au lieu de diviser la colombophilie en deux camps: d’une part les veuvagistes et de l’autre les pratiquants du naturel, ce qui ne peut qu’amener la zizanie et le découragement dans notre beau sport, on ferait mieux de diviser le jeu en deux classes, celle des bons pigeons et celle des moins bons, comme cela se fait en football où le jeu est réparti en plusieurs divisions. Un seul concours où les pigeons volent pour quelques francs et un autre pour les pigeons qui volent pour les grosses mises. Si ces pigeons sont trop tard pour les gros morceaux, ils ne peuvent pas enlever l’argent de ceux qui volent pour quelques francs. Le jeu devrait donc être conçu de manière que les pigeons extra ne puissent gagner que le gros argent en non l’argent des bons pigeons ordinaires. De cette façon, l’argent irait beaucoup plus loin et les concours ne s’en porteraient que mieux (4).
La plaie de notre sport, c’est la terreur qu’inspirent les veuvagistes ! Tant que les pigeons volaient très fort au naturel, on ne les craignait point, mais maintenant qu’ils sont veufs, on en a peur ! Ce n’est pas raisonnable. Je pourrais citer une cinquantaine d’amateurs anversois qui ont essayé le veuvage: quarante n’ont rien fait de bon, à moins qu’ils n’aient joué durant deux ou trois semaines, comme ils le faisaient auparavant, pour tomber ensuite dans le trente-sixième dessous… et ne plus savoir remporter un prix !
Qu’on remette vite ces oiseaux au naturel et qu’on patiente de cinq à six semaines, penserez-vous ! Oui, c’est vite dit et fait, mais la plupart du temps, ils ne feront plus rien de bon de toute la campagne. La forme, gaspillée par le feu violent des premières semaines, ne revient plus ! Et pour parler maintenant des pigeons au naturel qui n’en veulent plus après quelques semaines de travail, quelle peut bien être la cause de cette situation ? Il ne faut pas la chercher loin et il faut reconnaître que leur infériorité vis-à-vis des veufs consiste dans le fait qu’ils se reposent moins et cela est une conséquence logique d’une manière de vivre totalement différente. Les premiers se fatiguent sans nécessité, tandis que les autres se reposent toute la semaine, pour ne donner à fond que le dimanche.
Je vous demande maintenant, amis lecteurs, s’il y a quelqu’un qui puisse reprocher à autrui de jouer le veuvage, s’il est interdit de chercher à progresser et si nous devons rester toujours au point où nous avons débuté, sous prétexte que quelques sociétés ont exclu les veufs ? Non, n’est-ce pas ? La plupart du temps, les comitards ne savent pas ce que c’est que le veuvage. Ils croient bien faire dans l’intérêt de leur société, mais ils partent du préjugé que le veuvage est une manière de sorcellerie, pour changer le mauvais pigeon en un bon ! Dernièrement j’étais à Liège et j’eus l’occasion de parler à beaucoup de mineurs qui jouent surtout le veuvage. Quel est leur raisonnement ? “Pourquoi voudriez-vous que nous perdions notre temps à jouer encore le naturel ? Nous aimerions mieux n’avoir, au besoin, que deux mâles au veuvage qui sont tous les dimanches en ordre, alors qu’au naturel, il en faut dix fois plus pour en trouver un ou deux à point chaque dimanche. D’ailleurs, celui qui a joué le veuvage, ne veut plus jouer autrement, ne fut-ce que pour être à son aise !” Comment se fait-il alors, demanderez-vous, que la plupart des veuvagistes ne font rien de bon et abandonnent le système, après quelques semaines ?
Avant tout et surtout parce qu’ils n’ont pas de bons pigeons à jouer et en second lieu, parce qu’ils veulent trop bien faire: ils vont beaucoup trop à leur colombier, au lieu de ne pas y mettre les pieds de toute la journée. Chaque fois qu’on y va, les mâles croient qu’on arrive avec leur femelle et prennent un feu inutile. Ou bien ils mettent leurs pigeons deux ou trois fois par semaine à l’étape, ce qui est encore pis. Il vaut mieux ne plus faire d’étape, une fois que les mâles ont compris le jeu et savent que leur femelle est là chaque dimanche.
Ne croyez d’ailleurs pas que si les veufs volent aussi fort, c’est pour leur femelle. Non, c’est leur puissance accrue, leur genre de vie meilleur qui les met en mesure de taper plus fort. Pour résister à de pareils sujets, il faut, si l’on joue le naturel, choisir ses candidats quand ils sont bien au point et cela n’arrive pas tous les dimanches.
N’exigez donc pas trop de vos veufs, laissez-les dans le calme et ils viendront d’eux-mêmes en forme. Et ils y resteront. Au colombier des veufs, il faut d’abord le calme. Ensuite, le plus d’air possible, pour conserver leur appétit, mais tempérer
la lumière, afin de les obliger à prendre du repos. Enfin, il faut donner un bain à temps: le lundi, un bain chaud et le jeudi un bain froid. Trop peu d’amateurs se rendent compte de la valeur des bains. D’aucuns prétendent, à tort, que certains pigeons ne tombent bien qu’au naturel: tout pigeon sain et bien bâti, de bonne race et volontaire, doit tomber mieux au veuvage qu’au naturel. Notre ami Ernest Duray, le sympathique champion national, l’a dit: un pigeon qui tombe au naturel tombera doublement au veuvage, parce qu’il sera toujours prêt, contrairement à ce qui se passe au naturel. Si un pigeon ne veut soi-disant pas revenir “pour l’amour de sa femelle”, mettez une ou deux fois de suite, un mâle dans son casier, près de sa compagne, quand il revient au logis. Il se hâtera beaucoup plus pour réintégrer ses pénates, parce qu’on aura éveillé sa jalousie, qui est très forte chez un oiseau. On peut encore jouer un pigeon sans femelle en mettant chaque fois un autre mâle dans sa case, et en l’enlogeant après une courte bataille. Le système consistant à accoupler deux mâles avec la même femelle est excellent, pour la vitesse principalement. Mais dans ces cas, il faut faire l’obscurité au colombier, pour calmer les jaloux et les batailleurs (5). Dites-moi maintenant, chers lecteurs, est-ce aussi du veuvage ? Peut-on recourir à ces procédés ? Non ? Alors, il ne reste plus qu’à créer une fédération communiste où chacun aura des pigeons de valeur égale, soignés de la même manière et où l’initiative personnelle de l’amateur sera exclue. C’est de l’utopie !
On le voit: diviser la colombophilie en veuvagistes, partisans du naturel, de la jalousie, de la faim, du demi-veuvage etc. Cela n’amène pas la paix, tant que tous les pigeons ne sont pas de valeur égale et que tous les amateurs ne sont pas de valeur égale et que tous les amateurs ne sont pas aussi adroits les uns que les autres ! Qu’on laisse chacun faire à sa guise mais qu’on joue, s’il le faut, les pigeons en deux catégories, d’un côté les bons et de l’autre les passables, tous enlogés dans le même concours, mais avec une répartition spéciale pour les mises et les poules. Cet hiver, nous indiquerons d’ailleurs quelques bonnes méthodes que chacun peut appliquer. Mais qu’on ne vienne pas encore nous reprocher d’être trop sincères et d’apprendre trop aux amateurs, suivant la devise du “Sport Colombophile”, comme certains l’ont fait parce que nous avons divulgué loyalement une des meilleures méthodes de veuvage !

Noël De Scheemaecker


Notices:

  • (1) De nombreux amateurs croient toujours que la chute de la première rémige déclenche la forme du pigeon. Comme cette chute se situe souvent au début de l’été et que les pigeons ne peuvent être en forme avant cette saison, c’est possible. N’oublions cependant pas que bon nombre d’amateurs jouent déjà bien en avril et mai et que leurs pigeons n’ont alors pas encore mué leur première rémige.
  • (2) C’est d’instinct que les pigeons à l’élevage se sentent attirés par le champ où ils ont trouvé leur pitance pendant des siècles. Au cours des années ’30, alors que tout le monde jouait au “naturel” et qu’il n’existait pratiquement pas de produits complémentaires, les pigeons allaient souvent au champ au risque de s’empoisonner par les produits qu’on y déversait. Le veuvage ne tendait pas seulement à motiver les pigeons pour qu’ils volent mieux, mais il réduisait l’attrait des pigeons pour le champ.
  • (3) En 1935 Noël De Scheemaecker écrivait qu’il y a plus de bons pigeons que de bons colombophiles. Il en est toujours ainsi, même si les amateurs peuvent choisir entre des centaines de mélanges de graines, de produits complémentaires, de médicaments et qu’ils disposent de plus de temps libre et d’un meilleur pouvoir d’achat.
  • (4) Le jeu d’argent a toujours été primordial en Belgique. Surtout dans les années ’30 et au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Ceux qui ne bénéficiaient que d’un maigre salaire pouvaient gagner quelque chose de plus. C’est l’une des raisons pour lesquelles le sport colombophile était si populaire dans la classe ouvrière. L’idée de Noël De Scheemaecker de proposer des formules d’enjeu différentes n’était pas mauvaise, vu qu’elfe voulait protéger le petit amateur au revenu modeste.
  • (5) Noël De Scheemaecker fait quelques remarques très intéressantes sur le veuvage. Elles ne sont plus neuves de nos jours. N’oublions pas pour autant qu’il y a 70 ans, le sport colombophile était bourré de “secrets”. Le grand mérite des frères De Scheemaecker et le succès de leur périodique fut de libérer le sport colombophile de tous ces mystères et secrets. Ils permirent ainsi à leurs lecteurs de mieux jouer à pigeons.

[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ] 

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