Raideur De L 039 Aile Du Pigeon
15 février 2023 Par admin

Raideur de l’aile du pigeon

raideur de l 039 aile du pigeon

J’ai reçu de la rédaction  »Pigeon Rit »  un article paru en 1986. Il s’agit des remarques de différents colombophiles sur la raideur musculaire et principalement d’une lettre émanant d’un vétérinaire hollandais essayant d’expliquer le symptôme. Tout cela m’a été apporté par André Roodhooft.
La rédaction m’a demandé mon avis à ce sujet et c’est bien volontiers que j’y réponds. Voici le texte en question: « La raideur musculaire ». Le corps est soumis à des échanges (entrée et sortie). Les aliments sont absorbés et transformés en éléments de construction ou en combustible. Les structures permettant cela sont très complexes et les processus de construction ou de dégradations extrêmement compliqués. D’une manière merveilleuse, le corps équilibre la dégradation et la construction (élimination et absorption). De plus, le corps entraîné a été éduqué pour construire, utiliser et dégrader les matières alimentaires suivant un rythme bien défini. C’est nous les colombophiles qui imposons jour après jour ce rythme à nos pigeons en les faisant voler en temps et en heures, en leur donnant un mélange de grains adapté et ayant une méthode d’alimentation convenable afin de les amener en condition optimale pour les concours que nous avons programmés. A partir du moment où nos pigeons se trouvent dans le panier et ne peuvent plus voler aux heures normales, le rythme habituel est rompu. Le transport vers les muscles continue. La dégradation, libérant l’énergie pour le travail musculaire est interrompue.
Il est donc possible qu’après quelques nuits passées dans le panier de voyage que les muscles soient sursaturés de glucose. Lorsque le pigeon volera de nouveau, suite à la formation d’acide lactique en grande quantité, il est possible que l’acidification musculaire soit telle que le corps après un très court laps de temps ne puisse plus éliminer autant de déchets. Ce que nous observons, nous fait penser aux animaux de boucherie après abattage. Les muscles se raidissent, se contractent et présentent un degré d’acidité plus élevé. Chez les pigeons atteints de ce mal, nous constatons de grosses difficultés à l’envol, parfois ils sont même incapables de s’envoler. Nous voyons également que les pigeons « tirent » l’aile. A la prise en mains nous constatons que les muscles sont durs et les ailes raides. » Quand j’ai lu cela, je n’en croyais pas mes yeux. Je regrette de devoir dire que je ne suis pas d’accord avec cela. Il faut bien avouer que ce vétérinaire bénéficie de circonstances atténuantes. Autrefois les études vétérinaires étaient presqu’exclusivement consacrées aux gros animaux et spécialement au cheval. De plus en plus, il a été démontré que les oiseaux présentent de grandes différences avec les mammifères, par exemple au point de vue respiratoire, production d’énergie, régulation de la température, etc.. Afin que l’on ne puisse pas m’accuser d’avoir facile aujourd’hui de
« démolir » un article de 1986 grâce à toutes les connaissances acquises depuis, je dois dire que tout ce qui suit était déjà connu dans les années 70 et même parfois bien avant.
Je présume que l’auteur de l’article s’est inspiré des idées du Professeur J. Wester (Univ. Utrecht) développées dans le chapitre sur « la dégénérescence musculaire » de son livre « Maladies organiques des gros animaux domestiques », publié il y a plus de 50 ans. La « dégénérescence musculaire » est une maladie presqu’exclusive des gros chevaux de trait et qui se présente dans certaines circonstances. C’est quelque chose qu’on n’a plus beaucoup l’occasion de rencontrer de nos jours. La dégénérescence musculaire atteignait des chevaux fortement nourris et travaillant régulièrement qui après quelques jours de repos (mais toujours fortement nourris) étaient remis au travail. On constatait alors une concentration anormale d’acide lactique dans les muscles. Le Prof. Wester expliquait cela ainsi: la teneur en glycogène des muscles des chevaux est naturellement élevée. Si lors d’une période de repos l’animal continue d’être fortement nourri, ce taux augmente encore. A la reprise du travail, les concentrations musculaires libèrent rapidement beaucoup d’acide lactique formé à partir du glycogène (via le glucose) dans les fibres musculaires. Cet acide lactique ne peut pas être assez rapidement éliminé et par conséquent il se produit une dégénérescence des fibres musculaires (le produit de cette dégénérescence est libéré dans le système sanguin et de là atteint les reins, colorant l’urine en rouge), une raideur et une dureté des muscles, provoquant la chute de l’animal. Vu le déroulement typique de cette maladie (repos pendant le week-end et travail le lundi), cette maladie a été appelée « maladie du lundi ».
Le vétérinaire conseille pour les pigeons un traitement qui est analogue à celui du Prof. Wester pour les chevaux: l’acidité musculaire est combattue avec le bicarbonate de soude.
Et maintenant, à propos de l’article sur la raideur musculaire chez le pigeon. Si cela devait être la même chose pour le pigeon que pour le cheval alors aucun pigeon ne reviendrait de Barcelone après avoir passé un minimum de 5 jours dans les paniers et parfois 6 ou 7 en cas de lâcher retardé. Mais il y a plus. Ce n’est pas vrai que pendant le séjour dans le panier, les muscles se saturent en glucose car, entre autres, pendant cette période et à juste titre la nourriture est réduite à un minimum, de sorte qu’elle suffit juste aux exigences du métabolisme de base. Et ensuite je me dois de relever une énorme bévue: le glucose, libéré lors de la digestion, arrive directement dans le courant sanguin mais ne donne pas lieu à une augmentation du glucose ni dans les muscles, ni dans le sang, comme le vétérinaire l’affirme.
Les mammifères et les oiseaux sont dotés d’un mécanisme de régulation compliqué qui fait en sorte que les taux de glucose sanguin restent compris entre des frontières étroites. D’une part, l’excès est stocké en réserve sous forme de glycogène, d’autre part, en cas de déficit, les réserves sont mobilisées. Dans un autre paragraphe, le vétérinaire établit une analogie entre ce qui se produit lors de la contraction musculaire en vol et ce qu’on observe chez les animaux de boucherie après l’abattage. Sur ce point, je suis ferme, il n’est pas possible d’établir la moindre comparaison. Chez un animal abattu, le coeur s’arrête et le sang est éliminé. L’animal est bien mort mais les cellules et les tissus pas encore.
Ainsi, pendant le refroidissement de la carcasse, des contractions musculaires se produisent encore pendant un certain temps et donnent lieu à la formation d’acide lactique.
Comme il n’y a plus de passage du sang, cet acide reste à sa place de formation. Il n’y a naturellement pas d’arrivée d’oxygène de sorte que cet acide lactique ne peut être oxydé. Avec les muscles d’un animal mort, cela se produit comme le vétérinaire le dit : ils se raidissent, se contractent et ont un degré d’acidité plus élevé. C’est ce qu’on appelle la « raideur cadavérique ». Mais pour un pigeon en vol, il en va tout à fait autrement. Lors de la contraction musculaire, l’acide lactique, éventuellement formé, ne reste pas en place. Il est emporté par le courant sanguin et grâce à la présence d’oxygène, transformé dans d’autres endroits en glucose (glycogène) ou décomposé (en gaz carbonique et eau). Il n’y a donc pas d’acidification. L’acidification des tissus et du sang n’a donc pas lieu non plus pour d’autres raisons… On sait que les réserves en glycogène chez le pigeon sont faibles et qu’il y est surtout fait appel au moment du début du vol, lors de manoeuvres rapides et pendant l’atterissage. Pendant le vol à vitesse de croisière et pour des efforts de longues durées, il est essentiellement fait appel à d’autres types de réserve, les graisses. Par oxydation leur énergie est libérée sans formation d’acide lactique ou d’autres acides d’ailleurs (mais bien du gaz carbonique et de l’eau). Ce qui n’était qu’une théorie a été démontré expérimentalement il y a quelques années par deux chercheurs allemands (Bordel et Haase, 1993) sur des pigeons voyageurs participant à de véritables concours sur différentes distances, même un concours sur une portée de 620 km. Ces deux chercheurs n’ont observé aucune augmentation des taux sanguins, de glucose et d’acide lactique (les mesures ayant été effectuées immédiatement après le vol).

Mon point de vue.
Suite aux considérations précédemment exposées, il est clair qu’un pigeon en bonne santé est particulièrement bien armé pour éviter l’acidification de ses muscles pendant le vol. Cela grâce à un bon fonctionnement des appareils respiratoire et cardiaque (coeur). Nous savons également qu’il existe de grandes différences entre les pigeons au point de vue de leur capacité de vol. Habituellement, on considère qu’il y a trois catégories de pigeons: vitesse, demi-fond et fond, suivant les distances qu’ils parcourent habituellement et pour lesquelles ils sont spécialisés ; ainsi jusqu’à 200 km, jusque 550-600 km et ensuite au-delà. Les circonstances de vol particulièrement pénibles que nous avons connues l’année passée devraient nous faire réfléchir sur cette classification et nous faire comprendre qu’il aurait mieux valu classer les pigeons suivant le nombre d’heures pendant lesquelles ils étaient capables de voler. Le véritable pigeon de fond est capable de voler une journée entière de l’aurore au coucher du soleil. Et lorsqu’ils ne sont pas encore arrivés à destination, ils sont capables au lever du jour de se remettre à la tâche et de repartir. Une grande partie des pigeons qui passent pour des pigeons de fond, ne sont pas capables d’effectuer ce travail..
A quoi cela tient-il?
C’est une affaire très compliquée. Je pense à la structure du corps, des ailes, des muscles. Ne pas oublier non plus, la quantité de réserve à brûler et l’eau que le pigeon est capable d’emporter lors de son départ. Tout cela ne peut être observé de l’extérieur.
On ne peut le vérifier que lorsque les pigeons sont rentrés directement d’un très dur concours de fond. Seule l’expérience met la différence en évidence. En ce qui concerne le demi-fond, il y a beaucoup de pigeons de demi-fond dont on accepte volontiers qu’ils soient capables de voler beaucoup plus que leurs distances habituelles. Mais au cours d’une année comme 1995 et ’96, il y a pas mal d’amateurs qui ont dû déchanter: par temps calme (± 1.300 m/m), se classer en tête d’un concours d’une distance de 550 km et complètement échouer sur la même distance avec une vitesse de vol d’environ 1.000 m/m. Le deux heures de vol supplémentaires sont de trop. Ce sont des circonstances typiques, pour lesquelles ces oiseaux s’épuisent et éventuellement se perdent.
Quel est mon avis à propos des ailes raides?
Si un pigeon lors de son retour a utilisé toutes ses réserves et se retrouve épuisé, alors il se passe quelque chose au niveau musculaire. Il y a des indices de dégénérescence. Les fibres musculaires sont endommagées, elles perdent leur souplesse et deviennent raides. Cela ne se passe donc pas au niveau des tendons ou des articulations mais bien au niveau des fibres musculaires. Il ne reste donc plus qu’à traiter de la question de l’avenir de tels pigeons. Selon moi, ils ne doivent plus être considérés sur ce point, au contraire il faut inexorablement les éliminer. Tout d’abord, parce que comme voyageur, il ne faut plus beaucoup en espérer quelque chose. De plus, quelqu’un qui veut créer une « souche de fond » ne doit pas reproduire avec des pigeons, qui souffrent d’une raideur de l’aile suite à un concours très dur de fond. Si l’on élève à partir de ces pigeons, on risque de voir ce défaut (capacité de vol limitée) se fixer et s’étendre à toute la colonie. Ils peuvent tout au plus servir de reproducteurs pour un joueur de vitesse.

Prof. G. Van Grembergen


Notices:

  1. Découvrir les véritables pigeons de fond est une affaire difficile. Pour cela la structure du corps, les ailes et les muscles jouent un rôle important tout comme la quantité de réserves en combustile et en eau que le pigeon est capable d’emporter au moment du lâcher. Cela ne se voit bien entendu pas de l’extérieur. Il n’est possible de le vérifier que lorsque les pigeons reviennent d’un concours de fond très dur.
  2. D’après le Prof. Van Grembergen les raideurs de l’aile sont à mettre en rapport avec une dégénérescence des fibres musculaires. Ces dernières perdent leur souplesse et deviennent raides. Il ne s’agit pas d’une atteinte des tendons ou des articulations mais bien des fibres musculaires.

[ Source: Article édité par Prof. Dr. G. Van Grembergen – Revue PIGEON RIT ] 

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