La gloire du tandem Huyskens-Van riel et du pigeon belge
Débutant:
Sais-tu que cela fait exactement quarante ans que tous les pigeons du célèbre tandem anversois « Huyskens-Van Riel » furent vendus?
C’est en feuilletant, il y a une quinzaine de jours, un très vieux numéro – du 2 janvier 1957 – du journal « De Duif » qui organisa la vente, que j’ai appris cela. Ce que j’ai surtout retenu dans la description de cette colonie mondialement connue, c’est que les pigeons « Huyskens-Van Riel » pouvaient être considérés comme les premiers représentants typiques du pigeon moderne. C’est-à-dire des pigeons capables de remporter des prix de tête à toutes les distances. Je sais que tu as très bien connu Jef Van Riel et ses pigeons. Etaient-ils vraiment les premiers représentants typiques du pigeon moderne?
Victor:
Sais-tu que cela fait déjà 21 ans – juin 1976 – que Jef Van Riel est mort? Et je m’en souviens encore très bien tout comme de sa vente totale d’ailleurs en 1957. N’oublie pas que nous étions concurrents de Huyskens-Van Riel et jouions dans la même société, l’Union d’Anvers. Mais Jef était également un ami et je le considérais comme un extraordinaire manager… un colombophile que l’on ne peut oublier. Pour répondre à ta question je vais d’abord reprendre mot à mot ce que j’ai écris au sujet des pigeons Huyskens-Van Riel quelques semaines après la mort de Jef Van Riel. Je ne pourrai pas mieux le dire aujourd’hui, 21 ans plus tard. « Les pigeons du tandem Huyskens-Van Riel, dont Jef était vraiment « le » colombophile, étaient d’une classe exceptionnelle. Exceptionnels ils l’étaient parce qu’ils étaient aussi rapides sur 100 km que sur Barcelone. C’est unique, je crois, dans l’histoire de la colombophilie belge. La valeur sans égale de ces pigeons résulte de leur potentiel nerveux extraordinaire, de leur motivation naturelle, qui se dégage d’ailleurs de la lumière éclatante de leurs yeux, et de la vitalité de leur système musculaire.
Jef, qui était expert en diamant, avec ce jeu de lumière vivante qui caractérise les belles pierres, voulait des pigeons avec des pupilles qui crachaient la lumière. C’est la marque de ces pigeons imbattables.
Les Huyskens-Van Riel sont loin de ce qu’on a toujours considéré comme des « pigeons de fond » au sens classique de la signification du terme, c.-à-d. des pigeons dont seul compte l’endurance. Non, ce sont les pigeons de fond modernes, aussi rapides qu’endurants.
Le père Vanhee m’a dit un jour qu’il devait énormément à la souche des Hùyskens-Van Riel, provenant de son `Bliksem » (l’Eclair). Je ne crois pas qu’on trouve beaucoup de grands champions qui n’aient trouvé cet enrichissement de leurs pigeons par l’introduction de ce courant de sang merveilleux. Mais pour réussir ce tour de force de créer ces « phénomènes », il a fallu que Jef ait pu disposer de la « Boerinneke », ce petit paquet de nerfs avec une tête qui parlait. Cette petite femelle qui tremblait dans vos mains et éclatait de vitalité, est à la base, avec son frère le fameux « Bange » de cette lignée d’as qui devait dominer pendant de longues années la colombophilie belge sur toutes les distances.
Nous-mêmes avions connu des années fracassantes à tel point que ce bon président de l’Union d’Anvers qu’était Felix Goris, nous lança à la figure: vous avez « démoli » l’Union, pourtant une des plus fortes sinon la plus forte société du pays.
Après la guerre nous avons continué la lutte pour la suprématie à Anvers jusqu’à ce qu’apparut le tandem Huyskens-Van Riel avec des pigeons capables de « tout »! Il ne me reste rien d’autre à faire que de frapper à la porte de mon ami Jef… pour voire quelle mine avaient ces phénomènes. Et, en effet, je les vis, ces pigeons « volontaires ». Et par une nuit mémorable, après avoir ensemble enlogé nos pigeons à l’Union d’Anvers, nous partîmes avec quelques amis encore boire un verre chez Jef. Il était fort tard déjà… vers les 2 heures de la nuit. Et on parla de la « Boerinneke ». Oui, il la vendrait bien pour 620 Euros – c’était en ’46 – parce qu’elle pondait assez rarement… et qu’elle avait la « gâle déplumante ». D’ailleurs tout leur colombier reposait déjà sur elle ou son frère… Bref, la « Boerinneke » je l’emportai avec moi à Schoten. J’insistais pour acheter le jeune qui avait 3 semaines au plateau pour 250 Euros.
Mais Jef ne voulut pas quoique son compagnon Çois Huyskens, lui, aurait bien cédé. Huyskens avait parfois un coeur « pain d’épice » et il aurait alors cédé n’importe quoi.
Jef avait bien fait de ne pas vendre le jeune au plateau… celui-ci devint le fameux « Bliksem » – six premiers prix à l’Union d’Anvers – le meilleur pigeon du colombier, sinon de la Belgique. Mon ami Victor Torrekens répétait souvent ceci: la « chance » joue un rôle en colombophilie. Et il avait raison… si seulement j’avais aussi eu le « Bliksem »! Cela aurait fait la « différence », comme on dit maintenant. La « Boerinneke » pondit encore trois oeufs chez nous. Le premier œuf donna la mère du « Héron », pigeon complet, 1er prix à 100 km ou à 1.000 km. Le second oeuf, car elle ne pondait qu’un oeuf, mais provenant d’un autre mâle, nous donna la mère du « Bartali », producteur incroyable, père de la « Peureuse », la « Bolleke », le « David », le « Goliath », le « Champion », « l’Acrobate », le « Koblet », le « Zeppelin », « l’Avion » etc… tous champions sur toutes les distances.
Avec quelques-uns de ces pigeons nous remportâmes trois années d’affilée le titre de roi à l’Union d’Anvers, la deuxième année ex-auquo avec Huyskens-Van Riel. Le classement se faisait avec les trois premiers désignés sur 9 concours de 450 à 950 km. Pourquoi toute cette publicité pour notre propre colombier? Simplement pour démontrer que les pigeons Huyskens-Van Riel ne pouvaient être égalés que par d’autres Huyskens-Van Riel, quand il s’agissait d’une confrontation sur toutes les distances. Non, je crois sincèrement que les Huyskens-Van Riel sont les meilleurs pigeons qui aient jamais existé en Belgique. »
Débutant:
Très intéressant et impressionnant ce que tu écrivais là en 1976. Puis-je conclure que les Huyskens-Van Riel étaient une race cultivée à force de patience dans le but de créer ce fameux pigeon moderne capable de remporter des prix de tête à toutes les distances?
Victor:
Pas du tout, et je t’étonnerai sans doute en t’affirmant que presque tous les cracks au colombier d’Ekeren étaient des produits de croisements à 100%, mais de quels croisements! Le croisement de la souche des Nuyens de Mariaburg avec Jos Van den Bosch de Berlaar réussit d’emblée. Il y eut, par après, surtout l’apport d’un mâle de race Janssen d’Arendonk, dont est sorti, e.a. son fameux 39, raffleur de poules à 25 Euros, qui vint troubler le succès des produits du mariage des Nuyens et des Van den Bosch.
Débutant:
En fait c’est le triomphe du croisement! Et pourtant nous avons.souvent été d’accord à conclure que pour réussir un croisement il fallait le faire avec des pigeons de race presque « pure », donc consanguine. Or, tous les initiés savent, que chez les plus fortes colonies belges et étrangères formée dans les années ’50, on trouve des Huyskens-Van Riel, c.-à-d. qu’on y réussit avec des produits qui étaient le contraire de produits consanguins. Nous nous sommes donc trompés?
Victor:
Je ne le pense pas. Car notre conclusion est valable comme règle générale. Mais puisqu’on a à faire ici à des pigeons d’exception, notre conclusion, le cas échéant, n’est plus valable lorsqu’il s’agit des Huyskens-Van Riel. J’ai bien connu tous les cracks de ce colombier. Je les ai eus en main à plusieurs occasions, et je puis t’affirmer que physiquement c’étaient des athlètes complets, mais en y adjoignant des qualités de vitalité et de mordant extraordinaires. Je crois d’ailleurs que là résidait la force de Jef Van Riel: l’examen de la vitalité et du mordant chez le pigeon.
J’ai jugé parfois des pigeons ensemble avec Jef Van Riel. Il détestait cela… mais pour faire plaisir, il voulait bien accepter une invitation quand il pouvait juger avec moi. Car j’ai dit que Jef n’aimait pas les bavardages avec les colombophiles… il fuyait donc les expositions… ce qu’on lui a souvent reproché. Eh bien, lorsque Jef jugeait un pigeon, et avant de se prononcer – très prudemment d’ailleurs et à voix basse – il regardait longtemps la tête du pigeon. Lui, spécialiste du diamant, paraissait scruter l’intérieur d’une pierre pour y déceler la vie et la lumière. Ce qui se passait alors dans sa tête, je ne le sais pas, mais il est certain que le jugement qu’il portait sur le pigeon dépendait surtout de cet examen. Il me faisait alors penser au légendaire « Duc », ce Bruxellois succulant et spirituel, qui répondait immanquablement à ceux qui lui demandaient son secret pour juger un pigeon: « Le pigeon me le dit ». Pour qui sait lire dans la tête et le regard d’une bête, ces mots disent quelques chose. Pour Jef cela devait dire beaucoup de choses.
Débutant:
Mais ce qui m’étonne c’est que Jef Van Riel ait réussi à constituer une colonie qui allait être mondialement réputée et cela en si peu de temps, une dizaine d’années.
Victor:
Mon ami, que j’ai connu dans les années « 30 », était à cette époque déjà, un très grand champion de vitesse. Et quand il s’est associé avec Frans Huyskens, il est reparti de plus belle en 1945, mais avec des pigeons qui n’avaient rien à voir avec ceux dont il s’était défait avant la guerre parce qu’il était devenu non désirable dans les sociétés colombophiles. Et quand il est reparti il a d’emblée la bonne méthode: une main de fer. Il ne s’occupait pas de la question: est-ce que tel ou tel pigeon peut aller jusqu’au bout, c.-à-d., jusqu’à Angoulême (700 km), Bordeaux (800 km), St. Vincent (950 km) ou Barcelone (1100 km). Non, ils y allaient. Tant pis pour eux s’ils en étaient incapables, ils n’avaient qu’à rester sur le carreau. Mais ici est le grand miracle: ses pigeons revenaient en tête de n’importe quelle distance.
Son fameux « Bliksem » six premiers prix à l’Union d’Anvers, dans le demi-fond, pouvait faire un premier prix à Libourne (760 km), St. Vincent (950 km), ou Barcelone (1100 km). Au colombier d’Ekeren, il y avaient plusieurs de ces cracks.
Débutant:
Mais ces cracks, pouvait-on en dire qu’ils étaient du type « Standard »? Ce Standard dont on se moque si souvent!
Victor:
Ceux qui s’en moquent ne connaissent pas beaucoup aux pigeons. Car les vrais « cracks », ceux qui tiennent à toutes les distances, n’ont pas de défauts. Et parmi tous les cracks du colombier d’Ekeren, les plus parfaits étaient aussi les meilleurs. Le « Bliksem » ne ressemblait pas du tout au « Zotteke », mais tous les deux étaient parfaits dans leur genre parce que proportionnés à merveille.
Chez les Huyskens-Van Riel cette qualité là dominait toutes les autres. Et c’est ce qui a fait d’eux les premiers représentants typiques du pigeon moderne.
Noël De Scheemaecker
Notice:
- Les pigeons Huyskens-Van Riel pouvaient être considérés comme les premiers représentants typiques du pigeon moderne. C’est-à-dire des pigeons capables de remporter des prix de tête à toutes distances. Ils étaient aussi rapides sur 100 km que sur Barcelone!
[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ]
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