La Navigation Du Pigeon Voyageur 1
21 décembre 2022 Par admin

La navigation du pigeon voyageur. (1)

la navigation du pigeon voyageur 1

L’orientation du pigeon voyageur.
Depuis mes derniers articles sur l’avancement des recherches sur l’orientation du pigeon voyageur de nombreux articles scientifiques sur le sujet ont été publiés. C’est pratiquement impossible pour une personne de tout éplucher, surtout si cette dernière n’est pas intéressé de près aux recherches. Néanmoins je fus un peu aidé par la parution (dans le même périodique et plus tard sous la forme d’un livre « Navigation ») de 33 rapports, dont 5 consacrés aux pigeons, et tout cela émanant de la plume de spécialistes de différents coins. Cela se passa sur invitation d’un éditeur qui est aussi de la partie. Il est également intéressant de signaler que ces articles ne se rapportent pas à des expériences récentes mais sont plutôt des réflexions sur un des plus grands puzzles de la biologie. Je trouve nécessaire de donner quelques explications préalables sur le terme « navigation » qui est plus que de l’orientation, Dans la pratique on utilise habituellement le terme « orientation » pour le pigeon voyageur qui rentre au colombier après un concours. En fait, c’est de la « navigation », ce qui est un peu plus que de l’orientation ». Le pigeon voyageur est capable de retourner à son colombier (homing) lorsqu’il est lâché d’un endroit inconnu et cela même s’il n’a pas l’occasion pendant le transport vers le lieu de lâcher de saisir la moindre information. Il doit dans ce cas solutionner deux problèmes. Tout d’abord, il doit déterminer sa position géographique. Il doit reconnaître sa position par rapport à son colombier sur une espèce de « carte » (cette carte est comparable aux cartes routières que nous utilisons). Il doit donc pour cela déterminer s’il a été transporté vers le nord ou vers le sud (c’est la partie « cartographique » de la navigation). Alors vient ensuite la détermination de la direction à prendre (c’est la partie « compas »). Le pigeon doit utiliser un compas comme indicateur de direction (comparable à celui utilisé par l’homme). La grande question est de savoir comment cela se passe et quels sont les organes des sens impliqués. Trois théories sont actuellement en vogue :
1) la visuelle, 2) la magnétique et 3) l’olfactive, suivant l’importance accordée par les chercheurs à la nature des signaux perçus, soit lumineux, soit magnétiques, soit olfactifs.
Bien que la navigation visuelle soit la première envisagée, je parlerai en premier lieu de la navigation magnétique car c’est cette dernière qui a été la plus étudiée ces dernières années. Tout débuta en 1971, lorsque W.T. Keeton révéla le résultat de ses essais sur des pigeons manipulés magnétiquement (par exemple des aimants sur le dos ou la tête) ou qui furent lâchés de certains endroits où existaient des perturbations magnétiques. Il arriva à la conclusion que les pigeons, en absence de lumière solaire, étaient capables de s’orienter car ils passaient à un autre mode d’orientation, la navigation magnétique. L’enthousiasme dans le monde biologique était grand avec comme conséquence que toute une série de nouveaux essais furent entrepris dans de nombreux laboratoires disséminés aux quatre coins du monde. Cet enthousiasme contamina également les milieux non scientifiques, de sorte que chacun fut convaincu que la théorie magnétique était « la solution ». C’est en fonction de cela, que pratiquement tous les météorologues, les dirigeants de la RFCB,…, prévoyaient sur tous les tons une catastrophe pour le concours du 15 juin 1991 sur Cahors. Des tempêtes magnétiques (dues à de fortes explosions solaires) étaient sensées perturber fortement le compas magnétique des pigeons! Rien de tout cela ne se passa. Le concours de Cahors se déroula aussi normalement que possible. Etant relativement bien au courant du dossier, j’avais déjà attiré l’attention sur ce point dans le journal « De Duif du 23/12/87 », afin d’éviter les bévues, et encouragé à la prudence dans les déclarations. A cette époque, j’avais mis l’accent sur des points faibles dans l’argumentation de la théorie magnétique.
J’avais également remis en question la théorie de l’orientation magnétique du pigeon voyageur. Ainsi par exemple les fameux cristaux de magnétite (que l’on avait considéré comme les récepteurs des signaux magné-tiques terrestres) n’avaient pas pu être mis en évidence chez le pigeon. Egalement, l’explication des différences entre les résultats d’expériences similaires effectuées dans divers laboratoires devait être recherchée dans des différences au niveau de l’origine des pigeons, au niveau de la construction des pigeonniers ou de la préparation des pigeons! De plus, il y avait également les nombreux échecs enregistrés lors de la répétition des essais par d’autres chercheurs. Le travail de B.R. Moore (1988) m’avait particulièrement frappé: ce dernier, après avoir consulté les documents laissés par W.T. Keeton (décédé inopinément en 1980), n’avait pu que constater que Keeton lui-même (le père de la théorie magnétique) avait été dans l’incapacité de reproduire, au cours d’essais ultérieurs, les résultats obtenus auparavant. Puisqu’il y avait tant de scientifiques qui mettaient en doute la théorie magnétique, ou qui y étaient carrément opposés, ce n’était donc pas étonnant que je me prononçais à cette époque, d’une manière aussi négative. Cette prise de position fut la cause d’une réaction du chercheur allemand R. Wiltschko à mon égard. Il me reprocha amicalement d’avoir une « vision négative ».
Entre-temps, quelques années se sont écoulées et il y a de nouveau matière à parler du sujet. Je veux en premier lieu revenir sur « l’incident ». Comme je l’ai dit plus haut, à l’époque j’avais été particulièrement frappé par la découverte de B.R. Moore à propos des travaux de Keeton. Aujourd’hui, en ’96, R. Wiltschko m’a fait personnellement part du fait que l’étude réalisée par Moore d’après les documents de Keeton était assez superficielle et avait été mal interprétée. En fait, les pigeons des études ultérieures chargés d’aimants avaient été désorientés tout comme dans les premiers essais de Keeton.
La seule différence entre les premiers essais et les suivants se situait dans le comportement des pigeons témoins (donc sans aimant). Dans les derniers essais, ses pigeons témoins avaient été également désorientés de sorte qu’il ne pouvait plus considérer les aimants responsables de la désorientation des autres pigeons traités « magnétiquement ». On tourne en rond et le mystère reste entier. Sans parti pris je ne peux rien faire d’autre que de rester sur une position négative.
L’équipe Wiltschko voit les choses autrement. Elle attache beaucoup d’importance aux faits positifs. On ne peut rien faire d’autre que de respecter leur investissement énorme dans cette sorte de recherche.
Juste avant leurs deux articles dans le livre « Navigation » (96), ils ont publié un livre intitulé « Magnetic orientation in animais » (95). Je dois dire que, malgré leur optimisme, on n’est pas beaucoup plus près de la solution. Il est vrai que dans le livre « Navigation » quelques chercheurs se rangent du côté du couple Wiltschko en ce qui concerne l’utilisation d’une clé magnétique pour la navigation. Il y a par exemple K.P. Able (USA): il apporte crédit à la conception des Wiltschko sur le compas magnétique et à l’utilisation de plusieurs clés lors de la navigation des oiseaux migrateurs et des pigeons. Des idées semblables se retrouvent également chez C. Walcott (U.S.A.). Lui non plus ne peut expliquer et comprendre les différences, parfois grandes, qui sont constatées dans des essais similaires, réalisés avec des pigeons de différentes origines ou qui sont lâchés d’un endroit différent. Entre-temps, j’ai remarqué que les Wiltschko avaient modifié un tant soit peu leur point de vue en ce qui concerne le pigeon.
Ainsi, ils écrivaient textuellement dans l’article de « Navigation »: « Les prestations de retour au colombier des pigeons sont à peine influencées par les manipulations magnétiques, ce qui suggère que la solution magnétique n’est pas essentielle pour leur navigation ». Voici un autre passage édifiant: « De jeunes pigeons inexpérimentés utilisent le compas magnétique avant de manier le compas solaire. Cependant, par après, le compas solaire est le système qu’ils préfèrent ». Leur point de vue concernant les magnéto-récepteurs est également intéressant. Ils sont comme nous l’avons déjà vu, convaincus qu’il existe une magnéto-réception (donc que les pigeons captent les influences magnétiques), mais que le problème des magnéto-récepteurs (donc les structures permettant de capter les influences magnétiques) reste encore à résoudre. Il y a quelques années, on avait trouvé chez certains animaux domestiques des cristaux de magnétite et l’on pensait qu’ils servaient de magnéto-récepteurs. Hélas par après, cette opinion s’est révélée fausse. Bien que les Wiltschko (96) soient encore convaincus de l’existence d’une orientation magnétique, actuellement ils ont accepté, comme ce l’est d’une manière générale, que chez le pigeon voyageur la magnétite n’est pas impliquée dans la magnéto-réception. D’ailleurs déjà en 1989, Kirschvink conclut que les matériaux trouvés ne pouvaient être de la magnétite.
Le livre des Wiltschko et leurs articles dans « Navigation » me parvinrent au bon bon moment. Leurs explications me servirent bien. Elle me furent en effet d’un fameux soutien et me permirent d’avoir une position claire dans une affaire délicate.
Il existe un appareil de fabrication allemande et d’environ 495.79 Euros qui a été mis sur le marché et qui est pompeusement appelé « stimulateur d’orientation ». Cet appareil est censé améliorer l’orientation, augmenter la vitesse de vol, éviter les désastres. De plus, il rend les pigeons insensibles aux perturbations du champ magnétique terrestre et offre, si besoin est, la possibilité aux pigeons à l’entraînement de passer du monde d’orientation magnétique à une autre façon de s’orienter, comme par exemple le compas solaire.
L’annonce publicitaire ne comporte aucune représentation et seulement une description sommaire de l’appareil y figure. Ainsi, grâce à un magnétomètre sensible l’intensité des particules magnétiques internes est évaluée, ensuite l’appareil est mis en marche (courant électrique: 220 V) pour stimuler certains nerfs, ceux qui sont principalement en liaison avec les particules de magnétite réagissant aux changements de champs magnétiques. C’est regrettable pour le constructeur de l’appareil que nous vivions en 1996 et plus pendant la période d’euphorie des années 80, quand tout était rose pour la théorie des cristaux de magnétite!

Prof. Van Grembergen (à suivre)


Notices:

  1. La navigation du pigeon voyageur peut être divisée en deux problèmes. Tout d’abord, il y a la détermination de la position géographique. Le pigeon doit déterminer sur une espèce de « carte » sa position par rapport au pigeonnier. Ensuite, il doit prendre une certaine direction, c’est la partie « compas ».
  2. Ces dernières années la théorie de l’orientation magnétique a été remise en question. Ainsi, entre autres, les fameux cristaux de magnétite du cou et de la tête, et dont on pensait qu’ils servaient de récepteurs des signaux magnétiques, n’ont pas été retrouvés.
  3. Voici le « stimulateur d’orientation ». Coût: 495.79 Euros. Il faut introduire la tête du pigeon dans l’ouverture. Cet appareil est censé améliorer l’orientation, augmenter la vitesse de vol, éviter les désastres. De plus, il rend les pigeons insensibles aux ‘perturbations du champ magnétique terrestre et offre, si besoin est, la possibilité aux pigeons à l’entraînement de passer du monde d’orientation magnétique à une autre façon de s’orienter, comme par exemple le compas solaire. On aura tout vu dans le sport colombophile.
Stimulateur D 039 Orientation Pigeon Voyageur

Stimulateur Orientation Pigeon Voyageur


[ Source: Article édité par Prof. Dr. G. Van Grembergen – Revue PIGEON RIT ] 

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