Quand la Diphtérie Frappe le Colombier : Leçon de Sagesse et d’Expérience pour les Pigeons Voyageurs

Débutant :
Voilà plus d’un demi-siècle que tu accumules de beaux succès… mais cette année, tu n’as aucune raison d’être fier des résultats obtenus par tes pigeons !
Comment un colombophile aussi expérimenté que toi va-t-il m’expliquer cela ?
Peut-être pourrai-je en tirer une leçon. Ne dit-on pas que celui qui trébuche — comme c’est ton cas — fait un « double pas » ? Et que souvent, un échec peut engendrer le progrès ?
Victor :
Tu sais, le colombophile est un véritable spécialiste dans l’art de trouver des excuses à ses défaites.
On entend rarement quelqu’un admettre simplement : « Mes pigeons ne sont pas aussi bons que ceux de mes concurrents. »
Débutant :
Mais toi, vas-tu le dire ? J’en doute, car je sais que tu es sévère dans ta sélection et qu’un rossard a peu de chances de s’en tirer chez toi. Alors, que s’est-il passé pour que ta saison soit si médiocre ?
Victor :
Il y a plusieurs raisons. La principale est la suivante :
Début juin, j’ai constaté chez un yearling une petite poquette à l’œil. J’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un coup de bec. Trois jours plus tard, un second pigeon présentait la même anomalie, et une semaine plus tard, tous mes yearlings — une quinzaine — étaient atteints.
Avant cette « explosion » de diphtérie, j’avais encore engagé deux vieux pigeons pour Barcelone, et ils s’étaient très bien classés (32e et 201e sur 1.380 pigeons). Mais dès la semaine suivante, tout succès cessa.
Je parle ici aussi des vieux veufs — également une quinzaine — qui n’avaient jamais été vaccinés contre les poquettes.
Débutant :
Mais ceux-là n’avaient pourtant pas de poquettes ! Leur méforme devait donc venir d’autre chose que de la diphtérie, puisqu’ils n’étaient pas atteints.
Victor :
C’est ce que j’ai pensé au début. J’ai cherché la cause de leur contre-performance, car rien d’anormal n’apparaissait dans leur comportement.
Lors des volées du matin et du soir, ils semblaient en pleine forme. Pourtant, ils ne se classaient plus à Châteauroux, Poitiers, Limoges, ni Tulle.
Ils ne se « donnaient pas à fond ». Quelque chose — mais quoi ? — les empêchait de fournir l’effort nécessaire.
J’en suis venu à penser qu’ils s’épuisaient à lutter contre une maladie latente, en l’occurrence le virus de la diphtérie, qui sévissait chez les yearlings du colombier voisin.
Deux vétérinaires compétents ont confirmé cette hypothèse : la disparition de la forme résultait d’un organisme stressé par la lutte contre le virus.
Débutant :
Alors, quelle leçon tires-tu de ces échecs ?
Victor :
J’ai commis l’erreur de ne pas vacciner mes pigeonneaux en 1990 contre la diphtérie, c’est-à-dire contre les poquettes.
J’avais comme excuse ce que m’avait dit Georges Fabry : « Je ne vaccine pas mes pigeonneaux contre la diphtérie. Si, alors, ils attrapent les poquettes, ils sont immunisés à vie. »
Débutant :
Mais si, par exception, ils n’attrapent pas les poquettes, ils ne sont donc jamais immunisés !
Victor :
C’est exactement le danger.
D’ailleurs, Georges Fabry ne jouait pas ses pigeonneaux, il se contentait de les entraîner légèrement. Il considérait que la maladie elle-même constituait la meilleure vaccination.
Débutant :
Tu n’as donc pas eu la « chance » que tes pigeonneaux soient infectés par la diphtérie et couverts de poquettes…
Victor :
En colombophilie, il ne faut pas compter sur la chance… mais il en faut ! Ce n’est pas la même chose.
Débutant :
N’as-tu pas commis d’autres erreurs ?
Victor :
Oui, et je vais te dire laquelle.
N’ayant pas joué mes pigeonneaux en 1990, je ne les ai entraînés que jusqu’à 100 km.
Chaque fois, j’avais demandé au convoyeur de mettre mes pigeons dans un panier séparé, sans contact avec les autres. C’est probablement pour cela qu’ils n’ont jamais été exposés à la diphtérie.
Je le suppose.
Une autre erreur : si l’on veut bien jouer avec des yearlings, il est indispensable — sauf exception — de bien les jouer comme pigeonneaux.
C’est à ce moment-là qu’ils acquièrent ce qu’on peut appeler « l’expérience du jeu », ce qui est capital.
Débutant :
Je sais que tu ne cherches pas des excuses faciles, mais je crois savoir que tu as perdu six de tes meilleurs pigeons cette année…
Victor :
En effet.
J’ai perdu le Boxeur et le Wittekop, deux cracks, dès le premier semi-désastre de la saison.
Le Plak, fils du Carolus, a été retrouvé blessé près de Malines.
Sans parler de sa sœur, notre meilleure femelle, et de la 41, toutes deux également blessées en début de saison.
Mais ces pertes ne suffisent pas à expliquer mes échecs : les raisons principales sont celles que je t’ai exposées.
Et puis, il y a autre chose : le fameux gnôthi seauton de Socrate — « connais-toi toi-même ».
Quand j’y pense, je me souviens de ce que me disait Jef Van Riel lorsqu’il nous vendit tous ses pigeons pour la Station d’Élevage en 1969 :
« Lorsqu’on ne peut plus faire tout ce qu’on devrait faire pour ses pigeons, alors le moment est venu d’y mettre un terme… ou d’accepter de jouer comme tout le monde. »
Mais cela me dépasse… Mon cœur ne le supporterait pas.
Jef, lui, avait déjà subi un sérieux infarctus.
Débutant :
Oui, mais toi, ton cœur y est toujours… et je sais qu’il bat encore pour tes pigeons !
Noël De Scheemaecker
Notice
Pour espérer de bons résultats dans les concours de yearlings, il faut des pigeons ayant acquis une réelle expérience comme pigeonneaux.
Cette expérience ne suppose pas forcément des concours de 400 km ou plus.
Quelques concours de 100 à 250 km, avec lâcher en masse, suffisent souvent.
L’expérience du panier et du lâcher collectif, voilà ce qui compte vraiment.
[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ]
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Colombophiles et joueurs de pigeons
Les rapports colombophiles – pigeon voyageur

