9 mars 2021 Par admin

POL BOSTYN et ses idées – pigeon voyageur

C’est à la fin du mois de mai, dans les années 80, que j’ai eu l’occasion de rencontrer Pol Bostyn par hasard dans la Sparrestraat à Moorslede. Il se trouvait à l’arrière de ses propres pigeonniers, fin comme Artaban, le ventre proéminent, la casquette solidement plantée sur la tête et, bien entendu, le regard orienté vers les nuages, probablement à l’affût d’une bande de pigeons de passage. Même si j’étais assez pressé, il m’était impossible de ne pas m’arrêter afin de saisir cette occasion unique de bavarder un peu avec le champion de Moorslede. J’engagerai la conversation avec un traditionnel: “Bonjour Pol ! En promenade ?” Pol me regarda d’un air quelque peu étonné et me lança avec son ton bien particulier: “Mon cher ami, sais-tu que ta voiture est mal garée et que tu risques une contravention ?” Il ajouta, sous forme de boutade: “Et le sport colombophile coûte déjà assez cher…” Je lui répondis: “D’accord, Pol, mais je dirai que c’est ta voiture et une célébrité comme toi ne court pas beaucoup de risques”. Pol esquissa un sourire, ce qui prouva qu’il avait apprécié ma réplique. Il me demanda ce que je voulais savoir cette fois, ce qui me laissa penser que notre dernier entretien lors de l’enlogement pour Poitiers à Kachtem avait laissé quelques traces dans sa mémoire. “Pol, tu avais raconté des choses très intéressantes à propos de tes colombiers et, si je suis d’accord que tout commence par un bon pigeonnier, ce sont quand même les pigeons qui volent !” Pol, piqué au vif me rétorqua: “Mon cher ami, c’est vrai qu’un colombier ne peut pas voler, mais dans un bon pigeonnier, les pigeons connaissent la forme et, surtout, parviennent à la garder.” Visiblement, Pol avait envie de continuer la conversation et c’est avec sa franchise habituelle qu’il répondit à nos questions.

Pol, parlez-nous de vos débuts
“J’ai commencé en 1932 avec 31 pigeons dont 30 furent rapidement éliminés. Le seul rescapé me donna pleine satisfaction. En colombophilie, il faut savoir ce que l’on veut. Ainsi, pour les concours de vitesse, la conformation du pigeon n’a pas tellement d’importance. Par contre, pour les concours de fond, le pigeon doit être formé d’un seul bloc. Ainsi, pour moi, l’étape de Poitiers ne constitue encore qu’une épreuve d’entraînement. Ce n’est qu’à partir de Cahors que le véritable athlète peut montrer ce dont il est capable. Pour se distinguer dans les grandes distances, if faut une sorte bien particulière. C’est ainsi que j’ai acquis des Cattrysse de Moere, notamment la lignée du célèbre “45”, des Oscar Devriendt de Mors, hors du “Zwarteband” des Daniel Labeeuw de Bissegem, hors du “Sproete”, de Stichelbaut via Descamps-Vanhasten, hors du “Jeune Fer”… Voilà les principales lignées qui peuplent mes installations. Mon brave ami, pour les concours- marathon, il faut des pigeons sans défauts car le moindre manquement se paye cash. Ce n’est pas une sinécure que de tenir l’air pendant 12 ou 14 heures et de récupérer en un minimum de temps. Il est ridicule de penser que tous les pigeons sont capables de voler du matin jusqu’au soir”.

Pol, vous accordez donc une importance primordiale à l’origine et à la conformation d’un pigeons?
“Evidemment, j’essaie d’élever des oiseaux bien constitués et sans défauts apparents. Ainsi, lors du sevrage et surtout une dizaine de jours plus tard, mes pigeonneaux sont pris en main et sévèrement triés. Seuls peuvent rester les jeunes bien équilibrés, bien musclés et très solides. Cette sélection doit se faire sans tenir compte du pedigree, au risque de se laisser séduire et de se tromper soi-même. J’ai souvent remarqué dans le passé qu’il est inutile de faire confiance à un pigeon douteux. Ainsi, lors du sevrage, Oscar Devriendt savait déjà que le “Zwarteband” allait devenir un as. ldem pour le “45” des frères Cattrysse. De plus, je me rappelle que mon fameux “Benoni” était déjà irréprochable physiquement lorsque je l’ai pris en main pour la première fois. De tels athlètes peuvent étonner le monde colombophile s’ils peuvent se développer sans les forcer et arriver en grande forme au moment adéquat”.

Et quel est le rôle de la femelle (veuve), Pol ?
“Très important, indiscutablement. Chez moi, les veufs peuvent voir les femelles avant le départ, y compris les pigeons âgés de 4 ou 5 ans qui partent pour les plus dures épreuves de fond. Je ne joue pas pour faire des petits prix, mais bien pour la victoire. J’espère que vous m’avez bien compris”.

Pol, expliquez-nous comment cela se passe avec vos femelles ?
“Une bonne veuve doit connaître son métier. Chez moi, une femelle trop frigide est bonne pour la soupe. En réalité, une bonne veuve est impayable. A l’instar d’une putain professionnelle capable de dévoyer n’importe qui… Les femelles qui se laissent faire tout de suite ne valent rien, car elles ne pensent qu’à leur plaisir personnel. Une bonne veuve pense qu’à son compagnon qu’elle cajole amoureusement dans le cou lorsqu’il se couche dans le plateau. Pour l’amour d’une telle femelle, un bon voyageur volerait même à travers le feu. Chez moi, la veuve reçoit une préparation spéciale: un peu d’isolement, un bain tiède pour être bien présentable et des petites graines. De plus, je vérifie attentivement si elle ne porte pas un oeuf car une femelle qui va pondre manque cruellement de feu. Dans ce cas, je préfère montrer une autre femelle de la même couleur. Aussi longtemps que les conjoints se cajolent dans le plateau, je les laisse faire.
En aucun cas, je n’autorise de copulation. C’est la récompense après l’effort et pas avant…” Entretemps, au cours de notre entretien, nous arrivâmes devant l’entrée de la maison de Pol Bostyn. “Regarde”, dit Pol, “la majorité des gens habitent maintenant dans une villa, tandis que j’habite moi-même dans une grange. Cela ne me gêne pas, car on peut être plus heureux dans une grange que dans un château”.

Roger Vlieghe

Le “Benoni”, 3278268/63, 1er internat. Pau ’70, et le “chico”, ler nat. Argenton ’76, 1er nat. Brive ’78 et 2e nat. Tulle ’76, incontestablement les deux pigeons Bostyn les plus célèbres. Pol Bostyn disait que pour jouer le fond, il faut posséder des pigeons sans défauts car le moindre manquement se paye comptant.

[ Source: Article édité par M. Roger Vlieghe – Revue PIGEON RIT ]