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12 août 2020 Par admin

La « PEUREUSE » raconte (3) – pigeon voyageur

La Peureuse Raconte 3 Pigeon Voyageur | Anecdotes Et Souvenirs Colombophiles

Je me fais un réel plaisir de pouvoir vous parler un peu de ma jeunesse, des événements tant tristes qu’agréables que j’ai vécus dans ce temps assez lointain déjà. Comme jeune je n’ai pas été épargnée! Mes patrons me supportaient mal… j’étais trop peureuse! Je pense même que s’il y avait eu à cette époque un concours avec lâcher à Rome, ils m’auraient mis dans le panier afin d’être définitivement débarrassés de ma présence! Heureusement que je raffolais de pouvoir voler beaucoup et longtemps et les quatre concours au-delà de Paris, dont le derby national de Bourges, furent vraiment de belles petites promenades pour moi. Comme je me sentais en forme pendant ces excursions! Mais j’avoue que cette forme, je pouvais difficilement ne pas l’avoir, vu que mon logis était flambant neuf et qu’il donnait sur l’est, ce qui est l’idéal pendant l’été pour conserver cette forme le plus longtemps possible. En effet, dans un colombier pareil il ne fait pas trop chaud au milieu de la journée et dès le matin on y jouit déjà des rayons bienfaisants du soleil.
Dès ma prime jeunesse mes patrons m’avaient déjà appris à boire dans le panier de voyage… car notre abreuvoir – le même que celui que nous recevions pendant le transport dans le train – pendait à une paroi d’un panier de voyage, posé à l’extérieur du colombier. Cela fut un de nos plus grands atouts… et j’avais toujours pitié de mes compagnons de voyage en voyant combien ils souffraient de la soif… uniquement parce qu’ils ignoraient où se trouvait l’abreuvoir. En 1951 notre petite équipe de jeunes fut vraiment formidable. Sans doute, le nouveau colombier y était pour une large part, mais, à mon idée, nos beaux succès devaient en premier lieu être attribués au fait que nous ne recevions pas trop à manger et que de ce fait il n’y avait aucun risque pour nous de faire de la graisse inutile. Bourges fut le couronnement de la saison 1951. Nous étions à cinq jeunes, tous du même colombier et nos patrons ne furent pas un peu étonnés en nous voyant “tomber” tous les cinq endéans les huit minutes. C’est avec brio que nous gagnâmes le “Trophée des Héros” réservé à la première série de quatre… et ce dans un lot de près de 10.000 concurrents! Robert qui n’a jamais fait montre de beaucoup de patience lorsque les pigeons doivent rentrer, fut content de ne pas avoir raté notre arrivée en trombe et Michel se hâta d’aller chercher “derrière le coin” une bonne bouteille de vieux genièvre pour fêter, comme il le faut, ce résultat merveilleux. C’est un miracle dit Noël, en me voyant déjà rentrer après seulement deux minutes de toit. Et il avait raison car d’habitude je perdais au moins dix minutes à me promener sur le mur derrière le colombier, de peur d’être saisie par des mains trop fébriles. Depuis que j’avais perdu ainsi le premier prix au derby de Dourdan de l’Union (2.000 pigeons) mes patrons n’avaient plus aucune confiance en moi. Ce jour-là ils m’ont donné le surnom la “Peureuse”, surnom que j’ai gardé depuis. Cependant, Noël m’a désappris de perdre des minutes précieuses à cause de mes mauvaises rentrées. Le petit truc qu’il employa est bien simple. Les animaux, vous le savez peut-être, ont le grand avantage sur les êtres humains de vivre surtout selon les “réflexes”, ce sont des réactions automatiques auxquelles ils ne peuvent se soustraire.
Or, moi, effrayée que j’étais de ma nature, chaque fois que je rentrais dans mon colombier après un concours et qu’on essayait de me saisir le plus vite possible pour m’enlever ma bague en caoutchouc, ma première réaction était de rester dehors au concours suivant. Et je restais dehors des minutes interminables jusqu’au moment où ma faim, ma soif ou mon amour pour mon jeune ou pour mon conjoint l’emportaient sur la peur d’être saisie.
C’est seulement alors que je me décidais de rentrer, mais plus longtemps je m’attardais dehors et plus violemment Rikske (le soigneur) se précipitait sur moi pour me “saisir”.
Mais un beau jour les choses prirent une tout autre tournure; en rentrant dans mon casier je ne vis d’abord personne, on me laissa tranquille comme si je ne venais pas de rentrer de voyage. Deux minutes après, un de mes patrons s’approcha sans bruit, me caressa un instant et puis me prit doucement dans ses mains sans me faire peur. Il en fut de même la fois suivante et dès ce jour il ne fut plus question pour moi de traîner à l’extérieur, car du coup j’osais rentrer directement sans aucune méfiance. C’est ainsi que je fus guérie de ma peur. Si tous les colombophiles avaient la patience d’attendre une minute avant de prendre leurs jeunes pigeons au retour du voyage, ceux-ci ne perdraient plus au toit cinq, dix minutes et même plus avant de rejoindre leur casier. Nous autres petits pigeons naïfs, nous ne demandons pas mieux que de pouvoir rentrer directement après un voyage long et fatiguant… mais si quelqu’un nous guette derrière la porte, prêt à nous sauter dessus et à nous arracher presque la patte, nous réfléchissons deux fois avant de risquer notre peau… et nous réfléchissons de préférence “à l’extérieur” du colombier! Tirer brutalement à notre patte, cela peut faire terriblement mal surtout après une étape de longue portée, car si nous avons volé durant des heures nos pattes sont encore plus fatiguées que nos ailes.
Souvent aux enlogements j’ai écouté les colombophiles qui parlaient de nous en buvant un bon verre de bière et je me rappelle bien cette phrase entendue tant de fois: “Oui, évidemment il faut avoir de bons pigeons… mais avant tout il faut savoir les jouer”!
Et c’est bien vrai cela si je pense à tant de petits détails qui peuvent avoir une si grande importance! Le colombophile est, sans aucun doute, notre patron et il peut tout obtenir de nous… s’il nous soigne bien et surtout s’il nous traite comme il faut… et ne nous prend pas pour des bêtes sans intelligence.
Les hommes savent qu’ils savent, tandis que nous, pauvres petites bêtes, nous ne savons peut-être pas que nous savons, mais ne serait-ce pas justement là la raison pour laquelle nous voyons tout tellement mieux qu’eux et que pour nous tout est si beau? Un vol à une centaine de mètres au-dessus de la nature nous procure une jouissance indescriptible. Nous nous orientons nous-mêmes sans savoir seulement pourquoi, mais nous devons retourner à notre nid et il nous est impossible de faire autrement.
Tout ce que nous demandons, c’est d’avoir un bon “patron”, un patron qui nous ne trompe pas. S’il ne le fait pas, nous ne le décevons jamais… L’amateur, une fois qu’il a commis une faute psychologique à notre égard, perd bêtement un de ses meilleurs atouts. Oui, chers lecteurs, si vous saviez combien de mes concurrents n’avaient plus l’envie ou le courage de se défendre avec acharnement, de se donner complètement pendant les concours, uniquement parce que leur patron les avait dupés une ou deux fois. Chaque fois que je pris mon élan à un lieu de lâcher, je savais fort bien ce que j’allais trouver en arrivant au colombier. Noël est un bon patron et jamais il ne m’a trompé, car lorsque je partais sur un jeune, je savais pertinemment bien que je retrouvais ce jeune à ma rentrée. S’i j’étais enlogée comme veuve, je savais que mon mâle chéri m’attendrait à mon retour. Si j’étais engagée furieuse et jalouse, parce qu’une autre femelle avait été mise dans mon nid, alors j’étais certaine que cette ennemie mortelle s’y trouverait encore lorsque je reviendrais du voyage et que je la chasserais dehors pour reprendre possession de mon bien. Celui qui trompe ses pigeons est un mauvais amateur et il en est la première victime. Notre instinct ne se laisse pas tromper. Nous nous battons jusqu’à la mort pour protéger nos jeunes, pour reconquérir notre mâle, pour rentrer en possession de notre casier, mais une fois qu’on nous a trompés, nous pigeons qui aimons ce qui nous appartient, nous sommes envahis par le doute et dès lors nous ne nous donnons plus corps et âme. L’homme sait qu’il sait, nous ne le savons pas, mais notre foi est d’autant plus grande aussi longtemps que le doute n’entre pas dans notre coeur. Nous ne pouvons faire autrement que de nous donner totalement pour tout ce qui nous semble pur et vrai.

Nous ne savons pas méditer mais nous réagissons beaucoup plus rapidement contre la perfidie de l’homme que celui-ci ne le fait contre celle de son prochain. L’homme se laisse entraîner par son égoïsme et par son orgueil et c’est pour cela qu’il est si facilement le dupe de ses semblables, mais nous, petite bêtes, nous ne nous laissons pas prendre à ce piège là… car l’âne ne se heurte pas deux fois à la même pierre…
Et si cela est vrai pour un âne, c’est d’autant plus vrai pour les pigeons.
Mais laissez-moi vous dire un mot encore de la beauté de la terre telle que celle-ci s’offre à notre regard. Les champs, les bois, les rivières, les ruisseaux et les maisons se déroulent sous nos yeux comme un long tapis vert, bleu, argenté et rouge. Tout cela est si beau à voir que je songe avec nostalgie à ces milliers de kilomètres de tapis que j’ai survolé. De nos yeux qui voient beaucoup plus loin que les vôtres, nous distinguons clairement de là haut tout ce que vous, petits hommes, là-bas, loin en dessous de nous, vous ne sauriez voir.
Nous, pigeons de fond, nous n’éprouvons aucune fatigue de la lumière éclatante, du soleil éblouissant, parce que, avec nos pupilles minuscules, nous pouvons braver cette lumière aveuglante. Celle-ci ne nous gêne pas, mais je plains le pigeon aux pupilles dilatées que l’amateur force à participer à des concours de longue portée. En effet, le pigeon, s’il a de grandes pupilles, souffre de trop de lumière, en est handicapé et se fatigue vite. Notre monde à nous n’est pas le même que le vôtre. Avez-vous déjà regardé un objet minuscule dans un microscope? C’est un monde tout autre que vous découvrez alors. Eh bien, ce monde-là, c’est le nôtre, un monde vu par des yeux de pigeons et jugé par l’instinct qui ne nous trompe pas. Pour cette raison aussi, ce que j’écris est parfois incompréhensible pour l’homme!

La Peureuse ( à suivre )

[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ] 

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