Le tri de fin de saison chez les pigeons voyageurs : entre raison et discernement

Si le bon amateur n’hésite pas à jouer du couteau en cours de saison sportive pour éliminer les récidivistes de la paresse, la fin de saison reste, elle, l’époque des grands règlements de compte. Oui, mais dans quel esprit ?
Dans les colonies où l’on trouve à la fois de brillants sujets et des pigeons médiocres, le tri semble aller de soi… en théorie du moins. Encore faut-il s’appuyer sur des statistiques précises. Cette année, la saison s’est déroulée en deux phases bien distinctes : la première, jusqu’à la fin mai, marquée par des vents arrière et des vitesses records, entre deux averses ; puis la seconde, dominée par la chaleur, les orages et les vents d’Est ou de Nord-Est.
Ainsi, un pigeon a pu se montrer excellent en début de saison, puis plus faible ensuite, ou inversement. Les prix de tête obtenus avec vent favorable sont certes moins prestigieux, mais restent intéressants. Les pigeons capables de se classer dans ces conditions méritent d’être conservés : éliminer ce type de sujet reviendrait à se priver, à terme, de résultats dans certaines conditions météo. Qui n’a jamais entendu un amateur dire : « Heureusement que je ne l’ai pas tué l’automne dernier ! » ?
Le tri devient nettement plus délicat lorsque la saison a été moyenne, sans performances marquantes ni échecs flagrants.
Bien sûr, il existe aussi des colonies entièrement médiocres, où aucun pigeon n’est là pour défendre les couleurs du maître. Dans ce cas, le seul test valable est la réussite des autres. Et là, les grands moyens s’imposent : l’élimination totale, ou presque, est souvent le meilleur investissement. À quoi bon nourrir des pigeons sans avenir ?
Une révision complète s’impose alors : celle du colombier lui-même, mais aussi celle de la conception que l’éleveur se fait de son rôle de sélectionneur et de gestionnaire.
Dans les colombiers qui ont connu des problèmes sanitaires, l’analyse est encore plus difficile. La notion de vitalité, c’est-à-dire la capacité à résister naturellement à la maladie, possède des limites qu’il faut savoir reconnaître.
Éliminons sans hésiter le pigeon souffreteux, sans passé, qui se montre sensible à chaque parasite ou microbe de passage : c’est un faible, sans place dans une colonie performante.
Mais qu’en est-il d’un bon pigeon, solide jusque-là, qui s’effondre soudain ?
Un amateur me disait hier au téléphone :
« J’ai six bons pigeons qui ont fait des prix jusqu’à la mi-juillet, et puis, peu à peu, ils sont devenus ordinaires, voire médiocres. »
Je lui ai rappelé l’adage : « C’est toujours les bons chevaux qu’on attelle. »
La fatigue existe aussi chez le pigeon. Ces oiseaux auraient d’abord dû bénéficier d’un repos bien mérité. Un pigeon fatigué perd une partie de ses défenses naturelles, et sous l’effet des grosses chaleurs, les germes de trichomonose et de coryza trouvent alors un terrain idéal pour se développer. C’est une loi biologique : la faiblesse de l’un fait la force de l’autre.
Ce n’est donc pas un manque de qualité des pigeons, mais une erreur du colombophile : ne pas accorder un repos reconstituant à des pigeons trop sollicités, et ne pas adapter la ventilation ou la température du colombier quand la chaleur devient excessive.
Les choses se compliquent encore davantage lorsqu’une maladie grave a sévi au colombier.
Prenons l’exemple des vers : l’infestation varie fortement d’un pigeon à l’autre, même du même âge. Les jeunes sont toujours plus sensibles que les adultes, et la résistance d’un pigeon n’est pas toujours proportionnelle à sa valeur sportive. Mais dans une colonie infestée, tous finissent par être atteints, tôt ou tard. Une telle saison n’a donc aucune valeur indicative pour juger la qualité des pigeons : c’est un coup pour rien.
Dans le cas de la paratyphose, le problème est différent. C’est une maladie infirmante, et l’élimination des sujets éclopés ou arthritiques s’impose.
Cependant, espérer éliminer totalement la maladie par un simple tri des malades est une illusion. Deux options existent :
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Tout détruire, désinfecter et repartir avec des pigeons sains ;
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Ou soigner, vite, fort et longtemps.
Ces soins, lorsqu’ils sont appliqués avant que la maladie n’ait causé des lésions profondes, ne diminuent en rien la valeur sportive des pigeons.
Je connais un amateur qui se vante de ne jamais soigner. Cela fait dix ans que cela dure. Chaque année, il tue de bons pigeons devenus infirmes par fatigue, enterre des dizaines de jeunes morts au nid, et doit isoler ses oiseaux pour ne pas contaminer les autres. Il s’obstine, joue encore correctement, mais massacre et recommence.
Qu’espère-t-il encore ?
Cet exemple illustre la limite de la sélection et la nécessité de la médecine.
Le médicament n’est pas une fin en soi, mais un moyen. Il sert à remettre sur pied un organisme momentanément affaibli, non à transformer un faible en champion.
[ Source: Article édité par Dr. J.P. Stosskopf – Revue PIGEON RIT ]
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