23 septembre 2020 Par admin

Sur la sélection des pigeons !

Débutant:
C’est chaque année le même problème. Quand la mue est terminée et que je veux faire la dernière grande sélection de l’année, je commence à douter de mes connaissances et j’ai peur ou bien d’être trop sévère, ou bien ne pas assez sévère.

Victor:
Tout colombophile qui est sincère et qui a une longue expérience de la colombophilie est, plus ou moins, dans le même état d’esprit que toi… Car, à moins qu’on connaisse si peu des pigeons qu’on est encore assez naïf de croire qu’on connaît tout, il faut bien admettre que plus nous en savons, plus nous constatons que notre science est… assez mince!

Débutant:
Je ne pense pourtant pas que tu me ferais tuer les meilleurs et tenir les mauvais!

Victor:
N’exagérons pas. Je ne suis pas à ce stade. Mais voilà, mon ami, notre connaissance, pour être utilisable, doit être synthétique et brève. Ce que nous savons, nous colombophiles, se résume à ce que nous pouvons observer. Une théorie construite à priori n’a de valeur que pour autant que nous puissions la confronter avec l’observation.

Débutant:
Alors je comprends que pour réussir en colombophilie il ne faut pas être savant mais bon observateur.

Victor:
Tu dis là: “réussir en colombophilie”. Sais-tu bien ce que tu dis?

Débutant:
Je veux dire “remporter des succès.”

Victor:
Il ne faut pas oublier que le succès en colombophilie est quelque chose de très relatif. Il y a des colombiers avec 6 veufs, d’autres avec 60 veufs, d’autres encore avec 120 veuf& Je me méfie toujours des succès “tape à l’oeil” si je ne connais pas le nombre de pigeons d’un soi-disant champion.

Débutant:
Soit, mais tu dis que notre connaissance doit être synthétique, c’est-à-dire, qu’elle doit tenir compte de tous les éléments, aussi de l’élément “nombre de pigeons” et alors “remporter des succès” prend parfois une toute autre signification.

Victor:
C’est là où je voudrais en venir: le petit colombophile qui, avec quelques pigeons, sait se défendre, est un plus grand champion que tel autre qui avec dix fois plus de pigeons ne fait relativement pas la moitié de prix que le premier nommé.

Débutant:
C’est bien un peu le drame du siècle: il n’y a que le “tape à l’oeil” qui compte. Le sensationnel, l’exceptionnel nous fait perdre l’observation de la réalité.
Mais en bon observateur quelles sont donc les qualités physiques que tu crois indispensables chez un bon pigeon?

Victor:
Il y a une qualité qui prime toutes les autres. C’est celle sur laquelle revenait toujours mon ami feu Victor Torrekens: la gorge du pigeon. Et, plus mon expérience de la colombophilie augmente, plus je suis persuadé qu’il avait raison. On s’est parfois moqué de lui quand il ouvrait le bec de chaque pigeon qu’il examinait.
Mais il me disait par après: “Il faut leur pardonner, car ils ne savent pas ce qu’ils font… ils sont incapables de voir quelque chose dans la gorge, et, à leur place, je ferais la même chose…”
Victor était un sage, il avait une vue synthétique sur les choses et les hommes…

Débutant:
Pourquoi est-elle si importante, cette gorge?

Victor:
Je ne vais pas donner ici un cours d’anatomie, j’en serais incapable, et d’autre part cela n’intéresse que les scientifiques. Ce qui m’a appris à considérer l’état de l’intérieur du bec comme primordial pour la valeur d’un pigeon, c’est l’expérience par l’observation de la gorge des meilleurs pigeons… et aussi de celle des mauvais pigeons. Lorsque l’arrière-gorge (les amygdales) est de couleur rouge vif et gonflé, qu’également les bords du larynx (c.-à-d. la partie supérieure de l’appareil respiratoire, l’ouverture qu’on remarque à l’arrière de la langue et qui mène aux poumons) gonflent, à tel point qu’on dirait qu’ils se tournent vers l’extérieur, deviennent rougeâtres et laissent apparaître de petites lignes rouges sanguines, alors nous ne pouvons accorder aucun crédit au pigeon.
Il y a évidemment – et c’est là où le problème devient difficile – tous les stades intermédiaires entre une gorge parfaitement saine, et une gorge comme je viens de la décrire.

Débutant:
Si tu me décris comment est une gorge d’un bon pigeon, je pourrai mieux juger de ces états intermédiaires.

Victor:
Il y a tout d’abord les circonstances dans lesquelles se trouve le pigeon qu’on a à juger. Car il y a des circonstances atténuantes pour:
– le pigeon trop nourri;
– le pigeon qui ne vole pas;
– le pigeon dans un colombier trop peu aéré, et pour le pigeon dans un colombier de jardin avec des arbres tout près. Mais soyons néanmoins sévères, car mon expérience prouve que, même en tenant compte des circonstances atténuantes, on doit se méfier d’un pigeon dont la gorge présente nettement les marques d’inflammation. Une autre constatation: la qualité de la gorge est une qualité héréditaire. Les scientifiques peuvent en rire, mais un fait est un fait. Et Victor Torrekens avait raison de dire que les succès d’une colonie diminuent presque toujours parce que les pigeons ont une gorge handicapée. Et je suis entièrement d’accord avec lui.
La supériorité des cracks de Pol Bostijn ce ne furent pas les qualités alaire et musculaire, mais la qualité de leurs voies respiratoires.

Débutant:
Un pigeon ne vole pas avec sa gorge, et j’ai l’impression que tu exagères…

Victor:
Un pigeon vole avec ses ailes, actionnées par ses muscles. Mais le muscle ne peut continuer à travailler sans oxygène. Or, si l’appareil respiratoire n’est pas en parfait état, le pigeon ne peut amener convenablement l’air aux poumons. C’est l’ouverture du larynx, à l’arrière de la langue, qui est la porte par laquelle l’air doit passer pour aller aux poumons. Les portes de cette ouverture sont constituées par 2 lèvres mobiles qui sont presque fermées. Si elles sont trop ouvertes c’est que l’appareil respiratoire est en mauvais état, qu’il est enflammé.
Comprends-tu maintenant l’importance de la gorge?

Débutant:
Je n’en doute plus et j’ai compris.

Noël De Scheemaecker

Notices :

Ce que nous savons, se résume à ce que nous pouvons observer.
Le sensationnel, l’exceptionnel nous fait perdre l’observation de la réalité.
Le muscle ne peut continuer à travailler sans oxygène.
Pour commettre le moins d’erreurs dans la sélection en main, il est important que le jugement ait lieu dans des conditions optimales. Cela veut dire pigeons en excellente santé, pas trop gras et abrités dans un colombier non surpeuplé avec une bonne aération. . Pour ce qui concerne la gorge, la sélection est en fait assez facile car les mêmes critères valent pour tous les pigeons. Il suffit d’avoir vu quelques pigeons avec une excellente gorge pour savoir ce qu’est une bonne gorge. Il n’existe pas de bons pigeons avec une mauvaise gorge.

[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ]