Le plumage et la mue (3) – pigeon voyageur
C. Rythme de la mue
Cela ne vaut pas la peine d’entrer dans les détails pour ce qui concerne le déroulement et le rythme de la mue. Il y a à cela plusieurs raisons. Il y a de grandes variations suivant les catégories, par exemple si l’on a affaire à de vieux pigeons, des juniors, selon les positions des nids (éleveurs ou veufs), des jeunes d’hiver, d’été ou d’automne (tardifs).
Pour certains pigeons de ces catégories, la mue se déroule suivant un modele plus au moins similaire. Mais il y a pour presque tous des exceptions qui sont signalées: une séquence différente dans la mue des rectrices et des plumes de l’arrière-aile; mue simultanée des pennes de la frappe à deux places différentes, après la chute de la dernière penne de la frappe, début d’une nouvelle mue des plumes de l’aile, etc…
Le mécanisme de ces anomalies est totalement inconnu. Toutefois je puis affirmer que cela n’a aucune signification pathologique; ce ne sont que de petites irrégularités. Je trouve qu’il est plus intéressant, surtout pour les jeunes colombophiles, de mettre en évidence certaines particularités de la mue en rapport direct avec les prestations.
1. La mue des pennes ne se produit pas à la même vitesse pour tous les pigeons. 11 y a des pigeons qui muent plus lentement que d’autres. Cette propriété est en grande partie liée à la « race » ou à la « famille ».
La vitesse de la mue diminue avec l’âge (principalement après 6 à 7 ans). Ceci est logique puisque pour toutes les espèces d’animaux le rythme de la vie et les activités physiologiques diminuent avec l’âge.
2. Il est généralement affirmé que la mue des régimes primaires dépend de la couvaison du second nid. Je dois infirmer cela: pour mes pigeons cela a été très rarement le cas, aussi bien dans le pigeonnier d’élevage (un logement impeccable) que dans les installations de vol (une situation plutôt défavorable). Il est clair que ces faits tiennent plus de la race que de la nature du pigeonnier.
3. A la question d’une forme possible même si la première rémige n’est pas encore muée, je réponds oui. Cependant j’ai toujours remarqué que la véritable grande forme apparaît seulement lorsqu’un grand pourcentage des pigeons de l’équipe ont mué la première rémige.
4. Est-ce que le succès est possible avec un pigeon adulte qui vient de perdre une rémige juste avant l’enlogement?
Fort de ma propre expérience et de celle d’autres colombophiles ma réponse sera encore affirmative. La prestation est peut-être un peu dépendante de la situation: à l’endroit où une rémige va muer ou vient de « tomber », il y a un certain « arrivage » de sang et également une légère douleur. L’on peut constater par une simple pression des doigts à cet endroit, que le pigeon retire l’aile. Il faut cependant se faire moins de soucis pour la chute d’une rémige que pour le retard dans la mue; par exemple si chez un veuf une rémige n’est pas encore tombée alors que la précédente est complètement « poussée », il y a alors de fortes chances qu’il y ait un problème quelque part.
5. Quand un pigeon adulte (qui n’est pas en position de nid) « pousse » sa cinquième rémige, il ne faut plus le mettre au concours: c’est en effet à cette époque qu’il va lâcher ses plumes de couverture de sorte qu’on court le risque de le voir rentrer complètement déplumé, hors des prix.
6. Pour les jeunes pigeons les choses vont autrement, et je n’ai aucune explication à cela. Dès jeunes pigeons qui ont mué leur cinquième rémige, sont encore capables de se distinguer. Je pense pouvoir parler par expérience. Mon équipier et moi-même avons toujours joué nos jeunes (qui se trouvaient rarement en position de nid) puisqu’il s’agissait de jeunes nés au printemps sur n’importe quel concours, sans nous inquiéter de l’état d’avancement de leur mue avec cependant une exception. Nous avons pourtant bien joué chaque année avec nos jeunes. Nous avons engagé sur un concours national d’Angoulême (650 km) des jeunes pigeons avec une « queue d’hirondelle » ( il restait seulement les deux rectrices extérieures). Cependant cela ne nous a pas empêché de nous classer tout à fait en tête. Notre chance fut que le temps était sec sur toute la ligne de vol. J’imagine que beaucoup de lecteurs pensent que tout cela s’est passé il y a 25 ans, et qu’il s’agit d’une vieille histoire, vu la spécialisation à outrance actuellement. A cela je répondrai que déjà à l’époque 95 % des jeunes pigeons qui participaient aux concours nationaux, étaient des jeunes d’hiver qui étaient tout comme maintenant, sur des positions de nid idéales. Je suis bien conscient que très peu d’amateurs suivront notre exemple car il y a incontestablement un risque et il est préférable de ne pas jouer beaucoup d’argent. Notre but n’était pas le jeu en lui-même mais simplement, comme petits joueurs de fond, d’avoir des données supplémentaires pour la sélection. Mon avis se veut simplement encourageant pour « l’amateur colombophile » au sens propre du terme.
7. L’exception dont j’ai parlé au point 6 concerne les plumes des oreilles. Ces plumes de couverture fortement spécialisées, qui recouvrent les orifices auditifs, n’empêchent pas l’audition et forment une excellente barrière contre la pénétration des corps étrangers. Ils assurent aussi un aérodynamisme parfait de la tête. C’est pourquoi, il faut veiller à ce que les jeunes pigeons aient une tête parfaitement emplumée. Il ne faut jamais enloger des jeunes qui ont les oreilles dégarnies. Pendant le vol des tourbillons d’air se font autour des méats auditifs ce qui produit des bruits gênants. Avec les oreilles dégarnies, les jeunes ne sont pas capables de se défendre.
8. Si l’on veut prendre la chute du duvet comme un baromètre de santé et de forme (comme beaucoup de colombophiles le conçoivent), alors il s’agit d’en connaître le mécanisme correct. Le duvet tombe presque toute l’année avec variations plus ou moins fortes. C’est ainsi qu’après la « grande mue » (donc après le renouvellement des rémiges, des rectrices et des plumes de couverture), il y a relativement beaucoup de duvet qui tombe pendant les mois de février, mars et avril. On trouve alors des flocons de duvet éparpillés partout dans le pigeonnier.
Pendant la période d’élevage, il y a une interruption dans la chute du duvet jusqu’au moment où les oeufs sont pondus; la mue du duvet reprend avec la couvaison. Pour les veufs , c’est volontiers que l’on observe le matin, en pénétrant dans le pigeonnier, des fientes en boules aussi petites que possible, couvertes de quelques flocons de duvet. Au contraire, cela n’est pas bien si la chute de duvet est importante et que cela fait penser à des flocons de neige dans le casier. Il faut tenir compte du fait qu’il y a toujours augmentation de la chute du duvet dans les jours qui suivent un concours difficile ou après quelques jours de jeûne; dans ces conditions cela n’a rien d’anormal.
Parfois, à un moment déterminé, la mue du duvet diminue fortement, voire cesse complètement. Dans ces cas-là on invoque entre autres un pigeonnier froid et humide et mal ventilé, une alimentation trop riche en protéines, des pigeons trop gras (suite à une alimentation trop abondante et à un manque de mouvement). Mais le colombophile oublie souvent le principal: le défaut de santé suite à la coccidiose ou la trichomonose. Les oiseaux ne montrent généralement pas de symptômes importants : les parasites mentionnés plus haut peuvent simplement diminuer la digestion et l’assimilation des éléments nutritifs de sorte que des processus naturels comme la mue du duvet ne se déroulent pas normalement et que la forme ne vient pas. Une bonne cure anti-coccidiose (ou anti-trichomonose) est suffisante pour provoquer une chute massive du duvet.
9.Pour les « nez chauves », pas mal de colombophiles ont des idées fausses. Il s’agit d’un espace glabre situé juste derrière les cires nasales qui a quelques millimètres de large. Je puis vous assurer que cela n’a rien à voir avec des parasites comme les mites, les poux ou les puces, qui auraient rongé les plumes.
Cela n’a donc aucun sens d’y mettre l’un ou l’autre produit anti-parasites. Qu’est-ce donc? Les petites plumes autour du nez sont tout simplement tombées. C’est à mon avis un petit défaut dans la mue (cause?).
Les « nez chauves » sont principalement le fait des juniors et le plus souvent ce défaut disparaît spontanément. Un » nez chauve » ne correspond pas non plus à un manque de forme. Ce n’est certainement pas une excuse à de mauvaises prestations, car j’ai connu de tels pigeons qui continuaient à obtenir de bons résultats. Je pense également qu’il ne faut pas craindre une transmission héréditaire de ce défaut. Autrefois je possédais un éleveur extraordinaire qui présentait ce défaut comme jeune pigeon. Ce ne l’empêcha pas d’élever quantité de bons voyageurs qui ne présentaient pas ce défaut.
10. Il me reste encore une dernière situation à examiner s’agit d’une partie de l’aile, Ie pouce garni de ses trois plumes.
Pour la bonne compréhension l’exposé un mot d’explication l’anatomie de l’aile n’est certainement pas superflu. Nous trouvons à partir de l’articulation de l’épaule: tout d’abord l’humérus, suivis de deux os accolés: le radius et l’ulna ( ce dernier sert de support aux rémiges secondaires).
Le freinage qui est nécessaire se produit d’une manière assez compliquée (et pourtant chacun peut le voir de ses propres yeux): il y a entre autres une modification de la position des plumes pour accroître l’angle d’incidence, les pattes sont poussées en avant et les rectrices largement ouvertes poussées vers le bas. L’aile bâtarde y joue également un rôle: elle est redressée en éventail grâce aux muscles du pouce et aux muscles commandant ces plumes. Il va de soi que ces petites plumes sont alors fortement mises à contribution. Naturellement l’on peut difficilement trouver dans ces mécanismes l’explication de l’influence néfaste de la mue des plumes de l’aile bâtarde sur les résultats aux concours. Il doit y avoir d’autres explications ! L’aile bâtarde a en effet une autre fonction qui peut être facilement comprise pour tout un chacun. Chez un pigeon au repos, on ne remarque rien de spécial au niveau de l’aile bâtarde. C’est également le cas lors du vol horizontal. Grâce à l’aile bâtarde, il n’y a pas de turbulences au niveau du corps; les « angles sont arrondis ». La situation change fortement quand les plumes sont muées; alors il y a un « accroc » dans raérodynamisme. Cette perturbation provoque une perte d’énergie importante, ce qui explique l’handicap subi par ces pigeons lors des concours.
(A suivre) Prof. Dr. G. Van Grembergen
Notices :
- Quand un pigeon adulte (qui n’est pas en position de nid) a laissé tomber sa cinquième rémige, il ne faut plus l’enloger pour un concours. On court le risque de le voir rentrer complètement déplumé et hors des prix.
Les jeunes pigeons par contre qui ont mué leur cinquième rémige, sont encore capables de se distinguer.
Le prof. Van Grembergen ne trouve aucune explication à ce phénomène. C’est pour lui un mystère de la mue. - La mue des pennes ne se produit pas à la même vitesse pour tous les pigeons.
- La vitesse de la mue diminue avec l’âge.
- J’ai toujours remarqué que la véritable grande forme apparaît seulement lorsqu’un grand pourcentage des pigeons de l’équipe ont mué la première rémige.
- Le duvet tombe presque toute l’année avec des variations plus ou moins fortes.
- Il ne faut jamais enloger des jeunes qui ont les oreilles dégarnies. Pendant le vol des tourbillons d’air se font autour des méats auditifs ce qui produit des bruits gênants.
[ Source: Article édité par Prof. Dr. G. Van Grembergen – Revue PIGEON RIT ]
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Le plumage et la mue (1) – pigeon voyageur
Le plumage et la mue (2) – pigeon voyageur