La gale deplumante – pigeon voyageur
12 avril 2020 Par admin

La gale déplumante – pigeon voyageur

La gale deplumante – pigeon voyageur

 

« Pigeon Rit » reçoit régulièrement des lettres émanant de lecteurs qui se posent certaines questions à propos d’une perte des plumes dans la région du cou qui reste dénudé. Les choses n’étant pas toujours très claires, la rédaction de « Pigeon Rit » m’a demandé de donner mon avis à ce sujet. Je dois dire pour commencer, que le problème n’est pas nouveau. Périodiquement, la question est débattue dans les différents journaux colombophiles. Au cours des années, j’ai eu également l’occasion de donner mon opinion à ce sujet. La dernière fois, c’était dans le journal « De Duif » du 6 juillet 1988. Cet article était une réaction personnelle à une quantité d’arguments contradictoires acceptés comme explications à cette affection par les lecteurs et la rédaction d’un journal colombophile hollandais.
Ma réaction était d’ailleurs d’autant plus motivée, que deux vétérinaires avaient participé au débat sur la question épineuse de savoir si ces zones déplumantes étaient le résultat d’une action mécanique ou parasitaire. Ces vétérinaires exclurent la cause parasitaire et étaient tellement convaincus d’avoir raison qu’ils offrirent une prime de 1.000 Florins à celui qui prouverait le contraire.
Leurs conclusions sont bien sûr diamétralement opposées à mon opinion personnelle… qui apparaît bien dans les extraits suivants tirés de mon article paru dans « De Duif ».

 

Les affirmations des vétérinaires hollandais me sont totalement incompréhensibles, ayant été confronté pendant de longues années au problème. J’ai été en effet titulaire de la chaire de Parasitologie à la Faculté de Médecine vétérinaire de Gand depuis 1945 et ce jusqu’à l’obtention de l’éméritat en 1977. Pendant plus de trente ans, j’ai toujours dit à mes étudiants que l’agent responsable de ces zones de déplumement (=gale déplumante) est un acarien: le Cnemidocopte laevis var. columbae. Ceci figure déjà dans les livres « Maladies des volailles » (1928), du Prof. J. Lahaye (Bruxelles) et « Pathologie des oiseaux » (1941) du Prof. G. Lesbouyries (Paris), mais aussi dans tous les cours de parasitologie vétérinaire et également dans des travaux plus récents: Prof. H. Vindevogel, J.P. Duchatel et al.: « Le pigeon voyageur » (1987) et Dr. J.P. Stosskopf: « La santé de nos pigeons » (1989).
Une description figure dans mon cours et une microphoto personnelle se trouve dans le grand livre du pigeon voyageur de A. van den Hoek, G. Van Grembergen et J. Hermans (1981 et 1983). Tous mes étudiants, génération après génération, ont eu l’occasion d’observer pendant leurs travaux pratiques ces acariens.
J’ai non seulement enseigné la parasitologie, mais j’ai effectué des recherches sur ce parasite qui avaient pour but final de mettre au point une méthode de lutte efficace.
Après avoir, montré en 1947 (Vlaams Diergeneeskundig Tijdschrift, 1947, p. 119) que le Gammexane (Lindane mis sur le marché en 1945 ), au contraire du D.D.T., était très actif contre le tique du pigeon (Argas reflexus), mon étude s’élargit vers les autres parasites externes du pigeon (Vlaams Diergeneeskundig Tijdschrift, 1949, p. 53). Tout d’abord les « poux rouges » (scientifiquement Dermanyssus gailinae), ensuite ce fut le tour de l’agent de la gale déplumante. J’avais constaté que les parasites « in vitro » (enlevés de la peau) étaient très sensibles au Gammexane. Mais comme à l’époque je n’avais à ma disposition qu’une préparation brute sous forme de poudre, je n’étais pas en mesure de passer à l’application pratique sur le pigeon. Je postposais mes recherches en attente d’une préparation de Gammexane mouillable. Lors du traitement, il faut toujours avoir à l’esprit que la substance insecticide doit pénétrer pour agir sur les parasites sous la peau. Suite à un appel dans les journaux colombophiles j’ai pu rassembler un certain nombre de pigeons atteints. Les résultats de cette étude furent publiés dans le « Vlaams Dierkundig Tijdschrift », 1954, p. 288. A cette époque j’avais observé les faits suivants. Les pigeons doivent être complètement trempés (à l’exception de la tête) dans un bain d’eau savonnée, ou mieux dans un bain détergent (par ex. Alcanox) et ceci afin d’augmenter la pénétration du produit insecticide.
Lorsque le pigeon est complètement mouillé, il est plongé dans un bain de Gammexane. J’ai utilisé pour cela « Jacutin flüssig », Merck (contenant 7 % de matières actives) à la concentration de 20 à 30 ml (le plus souvent 25 ml) pour 5 litres d’eau.
L’immersion dure 2 minutes et le traitement doit être répété endéans 8 à 15 jours, car dans un cas j’ai encore trouvé des acares vivants après un premier traitement.
Douze pigeons atteints gravement ou très gravement (un pigeon était complètement déplumé, il ne lui restait pratiquement que les rectrices et les rémiges) furent traités avec d’excellents résultats. De plus, onze de ces oiseaux qui furent suivis pendant un an et certains même pendant deux ans, ne montrèrent plus aucune atteinte de la maladie. Je ne puis rien dire quant au douzième que je perdis de vue. Cette étude ne permit pas de mettre en évidence un quelconque effet secondaire défavorable sur le plumage et l’état général des oiseaux. Malgré l’identification de l’agent de la gale déplumante, l’étude concernant ces « cous dénudés » n’est pas terminée.
J’ai en effet rencontré de temps en temps des cas fort semblables mais qui, après un examen approfondi, se révélaient être d’une tout autre nature. J’ai décrit un tel cas dans mon livre « Aspects scientifiques de la colombophilie », 2ème Ed., 1975, G. Van Grembergen et G. Smedts, p. 127: je puis affirmer avec certitude que c’était l’oiseau lui-même qui s’arrachait les plumes, ce qui est une habitude bizarre, appelée picage qui se rencontre très rarement chez les pigeons mais observée, par contre, plus fréquemment chez les poules.
Il existe également une autre « pseudoforme » de gale déplumante: l’explication était simple, les pigeons devaient tendre le cou par-dessus un fil pour picorer les graines de leur mangeoire.
Dans d’autres cas, ce furent les frottements répétés sur les bords tranchants de certains abreuvoirs (principalement en émail et en plastique) qui occasionnèrent ces dégâts aux plumes (voir « Le grand livre du pigeon voyageur » 1981, A. Van den Hoek, G. Van Grembergen, J. Hermans, p. 115).
Par souci d’honnêteté, je dois dire que le Dr. Stosskopf a été le premier à mentionner ces cas de pseudo-gale déplumante due aux bords tranchants des abreuvoirs (« Santé et rendement du pigeon », 1971).

 

Il est donc clair qu’il existe deux causes différentes à ces « déplumements »: la première, véritable affection parasitaire, la gale déplumante, occasionnée par un acarien et la seconde, une pseudoforme, due aux frottements mécaniques. C’est d’ailleurs cette dualité qui se trouve à la base de toute la confusion. Après ces explications, chacun comprendra aisément pourquoi j’ai déclaré incompréhensibles les affirmations des deux vétérinaires hollandais. C’est d’autant plus incompréhensible, que l’un des deux a traduit de l’Allemand en Néerlandais le livre du Dr. Schrag « Pigeons en bonne santé » (1973). Livre dans lequel l’auteur fait allusion à la page 175 aux acares responsables de la gale déplumante.
Si maintenant l’on écrit « qu’à l’Université de Gand des recherches sont effectuées (par qui?) et… qu’il n’est pas possible de mettre en évidence des acariens », alors franchement je réponds: chercher et ne pas trouver ne constitue pas la preuve qu’il n’y a rien!
En tous cas, j’ai identifié régulièrement à Gand des acares, dont la fréquence, je l’avoue, a diminué au cours des années. Le Prof. H. Vindevogel ( Directeur de la clinique des oiseaux de l’Ecole vétérinaire de Cureghem) a également de son côté rencontré de nombreux cas de gale déplumante (surtout chez les pigeons de fantaisie et de chair). J’estime important de faire suivre l’exposé sur la controverse à propos de la gale déplumante par quelques données sur la biologie et la pathologie de l’acare responsable de la gale déplumante.
Ce dernier est analogue à l’agent de la gale humaine (Sarcoptes scabiei). Puisque ce dernier fut étudié de manière intensive, sa comparaison avec l’acare du pigeon me semble tout à fait intéressante: en effet malgré leur similitude, il y a quelques différences à signaler.
Les sarcoptes humains peuvent envahir l’entièreté du corps mais c’est principalement sur les mains qu’on les retrouve. A l’aide de leurs pièces buccales et leurs pattes, ils creusent de véritables galeries sous la peau (de quelques mm à quelques cm de profondeur) dans lesquelles les femelles fécondées pondent leurs oeufs au rythme de 2 à 3 par jour et ceci jusqu’au moment où elles meurent sur place après environ 2 mois. A l’intérieur des oeufs, se développent des larves qui éclosent après quelques jours. Le cycle de développement comporte encore deux stades intermédiaires avant la forme adulte mâle ou femelle. Le cycle complet dure ainsi trois semaines. Ensuite les formes sexuées (mâles et femelles) quittent la galerie et viennent s’accoupler à la surface de la peau et pour les femelles l’élaboration des oeufs commence.
Certaines de ces femelles vont pondre sur le même humain alors que d’autres vont se diriger vers une autre proie humaine si elles en ont l’occasion. Un contact intime (comme dormir ensemble) semble nécessaire pour la contamination d’un nouvel hôte. Grâce à leurs petites pattes ces acares peuvent se déplacer lentement à la vitesse de 2 mm par minute, ce qui explique l’extrême contagion de ces acares.
Les acares du pigeon sont un rien plus petits que leurs homologues humains: les mâles mesurent environ 0,2 mm et les femelles 0,4 mm. Ils sont de forme ronde. Ils vivent dans la peau du pigeon mais ne creusent pas de galeries: ils restent au même endroit. La principale différence réside dans le fait que les femelles sont vivipares, elles ne pondent donc pas d’oeufs mais donnent naissance directement à des larves. La durée du cycle n’a pas fait l’objet d’étude particulière, et le chiffre de trois semaines avancé par le Dr. Schrag dans son livre est vraisemblablement tiré des études de l’acare humain! Une atteinte de gale déplumante chez un pigeon se marque habituellement au niveau du jabot, de la poitrine et sur l’avant des ailes.
Les parasites prolifèrent dans la peau à la base des plumes de couverture, par contre les pennes sont épargnées. C’est durant le développement des plumes de couverture (lors de la croissance des pigeonneaux) et lors de leur remplacement ( à l’occasion de la mue de printemps) que les acares exercent leurs « activités » néfastes. Ils gênent l’alimentation de la papille dermique, ce qui permet, à un oeil excercé, de remarquer que les petites plumes atteintes, une fois poussées, sont plus fragiles. Elles se brisent aux moindres chocs et lors des démangeaisons quand l’oiseau se gratte à l’aide de son bec. Il reste un petit bout de plumes de quelques mm. Les plumes ne « tombent » donc pas, cela n’a rien à voir avec la mue de sorte que le terme de « mauvaise mue » est tout à fait erroné. Si l’on arrache un de ces petits bouts de plumes à l’aide d’une pince, on remarque un petit amas à sa base. C’est en examinant son contenu au microscope qu’on risque de trouver des acares. Pendant la mue de printemps, les bouts de plumes parasités tombent autant que les plumes de couverture normales; cependant elles sont légèrement endommagées car les parasites sont toujours présents. C’est pourquoi les colombophiles chaque année après la mue ont l’impression que les pigeons sont guéris. Rien n’est cependant moins vrai, car lorsqu’on n’intervient pas, la gale déplumante prend année après année des proportions catastrophiques. Avec le temps le corps entier peut être atteint. Les principales causes de contagion sont les contacts intimes donc:
1. les vieux avec les jeunes dans le nid
2. entre les deux partenaires du couple
3. pendant le séjour dans les paniers de voyage. Ainsi les femelles pleines ont la possibilité de quitter leur abri pour envahir des oiseaux sains.
En ce qui concerne la contagion de la gale déplumante, j’ose affirmer que le Professeur Lesbouyres (Paris) se méprenait sur le sujet: j’ai souvent eu l’occasion de suivre la lente évolution d’une telle infection dans toute une colonie. Je présume que ce peu de contagion (en comparaison avec la gale déplumante) repose sur une double base:
1. les acares de la gale déplumante ne se déplacent pas aussi rapidement et aussi loin que les acares humains;
2. comme les acares de la gale déplumante sont vivipares, le cycle de développement dure certainement plus longtemps et le nombre de descendants par femelle est également inférieur car c’est une à une que se développent les larves à l’intérieur du ventre de leur mère.Je dois également ajouter que la sensibilité vis-à-vis de l’infection est différente en fonction des pigeons ou des « familles » de pigeons dans un même pigeonnier.
Encore quelques mots à propos du traitement de la gale déplumante. Plus haut dans le texte je vous ai décrit la méthode que j’avais mis au point autrefois et qui utilisait le Gammexane. Cette méthode était la seule efficace et nécessitait deux applications. Cette spécialité ne semble actuellement plus être en vente. Toutefois une autre préparation contenant la même matière active est disponible, il s’agit du Lindane 25 % (Psyphac). Il faut utiliser 7 à 8 ml (± une demi-cuiller à soupe) pour 5 litres d’eau. Il va de soi que depuis lors d’autres insecticides ont été développés, surtout dans le groupe des esters phosphoriques. Je fais mention du Neguvon (Bayer). On conseille de plonger les pigeons 1 à 2 minutes dans un bain contenant une mesure de Neguvon pour 5 à 7 litres d’eau. Je n’ai pas eu l’occasion d’essayer cela et je ne peux donc pas confirmer ces données. Par contre, je sais que le Néguvon est un produit dangereux pour les pigeons et qui plus est, n’est pas aussi efficace qu’on pourrait le croire. L’on parle de 6 à 10 traitements à intervalles de 3 à 4 jours.
Pour terminer, je dois encore dire que l’an dernier j’ai eu l’occasion de constater qu’un autre parasite, Syringophilus bipectinatus, était rendu responsable de ces déplumements. Ces informations provenaient de trois sources, non spécialisées. Ces informations sont tout à fait incompréhensibles. Je suis persuadé qu’il s’agit d’une méprise.
1. En effet dans la littérature spécialisée il en est tout autrement. Le Syringophilus est décrit comme un parasite exclusif du rachis (non de la hampe) des rémiges et non des plumes de couverture.
2. J’ai eu l’occasion, dans ma carrière, de diagnostiquer quelques centaines de cas de gale déplumante confirmée avec mise en évidence de Cnemidocoptes. Et comme je l’ai déjà dit, les seules plumes parasitées étaient des plumes de couverture et non des rémiges. Maintenant, c’est étonnant que lors de ces examens, je n’ai jamais mis en évidence des syringophiles, un parasite pourtant facile à indentifier et à reconnaître: de forme allongée et plus grand, 0,7 à 0,9 mm de long sur 0,2 à 0,25 mm de large (voir figure ).

Prof. Dr. G. Van Grembergen


syringophilus columbae pigeon voyageur

Syringophilus columbae

 

Cnemidocoptes pigeon voyageur

Cnemidocoptes laevis


[ Source: Article édité par Prof. Dr. G. Van Grembergen – Revue PIGEON RIT ]

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