19 mars 2021 Par admin

Que pouvons-nous connaitre des pigeons? (2)

C’est la vitesse pure qui est à la base de toutes les prestations sportives, prétendent des hommes compétents.
Pour étayer leur affirmation, ils ont eu la victoire de Cottereau, le Scheerens d’alors, dans la course de fond Bordeaux-Paris. D’où la prétention de dire que “la vitesse sur mille mètres est également la vitesse sur mille kilomètres.” Si cela était vrai, le meilleur pigeon de vitesse serait aussi le meilleur pigeon de fond. Dans son livre “Mes secrets”, le célèbre champion bruxellois Reylandt affirmait quelque chose de semblable, ajoutant que tout, dans notre sport, est question de préparation. Nous ne pouvons absolument pas approuver cette manière de voir et seule la rareté d’un pigeon phénomène, aussi puissant que rapide, devrait nous dispenser de toute preuve supplémentaire. Vous nous demanderez maintenant, chers lecteurs :
“Mais qu’est-ce que tout cela a à faire avec la constitution du pigeon et la connaissance que nous pouvons en avoir?”
Et cependant, c’est là que gît le noeud de la question, c’est là que se cache tout le secret du champion : “De quoi êtes-vous capable… de quoi êtes-vous incapable?” Pour tirer d’un pigeon tout ce qu’il peut donner, il faut savoir ce dont il est capable, le spécialiser sur son terrain, en tenant compte de sa constitution et de ses dons instinctifs. Vitesse et fond, voilà la ligne droite où l’on peut marquer d’un point, la limite qui ne peut être dépassée, sous peine de claquer le pigeon. La vitesse pure est un complexe de force musculaire, de tension extrême, de prestation maximum des muscles, en un temps très court. Tant que le travail des muscles ne dure pas assez longtemps pour épuiser les réserves d’énergie et provoquer une dépression, une prestation de tête est possible, même pour les éléments qui manquent d’endurance. Mais lorsque le travail des muscles dure à tel point longtemps, que l’organisme doit arriver à la rescousse, pour apporter aux muscles les dernières réserves en sucre, alors, la limite est atteinte.

Celui qui veut aller plus loin, même s’il est le plus rapide du monde, doit, en tout cas, ralentir le travail des muscles, s’il ne veut pas les détruire, les user, ce qui aurait pour conséquence, l’impossibilité absolue de réaliser encore la moindre performance sportive. On peut très bien se remettre d’une dépression, en laissant travailler ensuite les muscles lentement, mais lorsque les dépressions se suivent de près, l’organisme est vite épuisé. Le moteur s’use comme celui d’une auto qui aurait roulé sans huile ni eau. Cette usure des muscles, provenant d’efforts exagérés, se découvre aisément chez les pigeons. Nous demandons parfois trop à nos braves voiliers. Ils se surmènent en voulant regagner leur colombier, ils n’en peuvent plus… et ils se tuent à voler… On reconnaît d’emblée les pigeons “vidés”, et quand on les prend en main, on le sent tout de suite. Comment sent-on et voit-on qu’un pigeon est “vidé” ou “usé”? On sent qu’un pigeon est usé :
1) quand le volume des muscles diminue. Quand le pigeon devient plus petit et se désunit, ce qui signifie que les muscles sont usés. C’est à la poitrine qu’on le sent le mieux, des deux côtés du bréchet. Quand les pectoraux fondent, l’oiseau est perdu pour le sport. De même, lorsque les muscles des hanches s’amollissent et qu’on ne sent pas une continuité entre le dos et la queue ;
2) quand la respiration s’accélère ou devient hachée ;
3) quand le coeur faiblit, c’est-à-dire bat plus vite ou d’une manière moins ferme. Ou encore quand son rythme s’accroît au moindre effort, par exemple après une volée. On sent le mieux le coeur battre en posant doucement le doigt en avant et sur le côté des os de la fourche ;
4) quand le corps cède aisément, lorsqu’on le presse doucement entre les mains.
On voit qu’un pigeon est usé;
1) quand l’oeil devient terne ou paraît briller d’un feu humide ;
2) quand les paupières s’amincissent et que des plumules les envahissent. C’est ce qu’on pourrait appeler, chez l’homme, le ratatinement de la peau du visage. On y découvre un indice de ramollissement des tissus et de faiblesse de la circulation sanguine. Au contraire, les paupières s’agrandissent, chez le pigeon en forme, spécialement à la partie postérieure de l’oeil ;
3) quand le plumage est comme mort et sans lustre ;
4) quand la gorge est d’un rouge violet, que la langue se relève et que les organes supérieurs de la respiration sont enflammés. Amis lecteurs, voici résumés, les principales caractéristiques. A vous de les étudier, de les examiner à fond. Je pourrais encore écrire des pages et des pages sur ce sujet, mais nous avons, avec ce qui précède, assez de données pour mériter notre attention, en vue des concours de 1937, afin de ne pas gaspiller un argent perdu d’avance, sur des pigeons incapables de se classer en bonne place.

Noël De Scheemaecker

Notice:

Quiévrain est depuis des années l’aire de lâcher la plus réputée au monde. Les spécialistes de la vitesse y ont engagé des millions de pigeons bien préparés et motivés. Peu de pigeons se perdent de Quiévrain. Ne faut-il pas en conclure que tous les pigeons possèdent un mystérieux système de navigation, dont nous ne connaissons toujours pas tous les secrets ?

[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ]