Les jeunes pigeons et le système de l’obscurité : le témoignage d’A. Roodhooft

Je ne suis pas facilement satisfait des résultats de mes pigeons, et je ne fais pas partie de ceux qui utilisent de grands mots ou qui se donnent des airs importants.
Cela doit d’ailleurs être bon signe lorsque vous m’entendez simplement dire : « C’est bien. »
Je suis cependant satisfait des résultats obtenus par les jeunes en 1996, en particulier ceux du nouveau colombier de Pulderbos, qui se sont très bien comportés.
Au début, tout ne se passait pas très bien, et j’ai perdu pas mal de jeunes.
Comme vous avez déjà pu le lire à plusieurs reprises, je note un maximum d’informations concernant mes pigeons, afin de pouvoir tout analyser tranquillement après la saison et en tirer des conclusions utiles.
L’obscurcissement du pigeonnier : une expérience instructive
En ce qui concerne la perte des jeunes pigeons liée à l’obscurcissement du pigeonnier, j’ai eu l’occasion, au cours de la saison passée, d’apprendre quelque chose d’important.
Voici mes constatations.
Celui qui leur accordera un certain crédit et en tiendra compte pourra éventuellement limiter ses pertes de pigeonneaux.
Ce que je vais vous raconter repose uniquement sur mon expérience personnelle et n’a aucune valeur scientifique.
Je ne suis pas un homme de laboratoire ni détenteur de diplômes, mais mes affirmations sont le fruit de quarante années d’expérience colombophile.
Et je suis convaincu que cette théorie est très proche de la réalité.
Le récit de la saison 1996
Les précoces furent sevrés fin janvier à St-Antonius, et le système d’obscurcissement débuta début mars.
Auparavant, je l’appliquais dès le sevrage, mais cela n’a aucun sens : les nuits sont suffisamment longues jusqu’à la fin février.
Les jeunes mâles furent maintenus dans l’obscurité jusqu’au 1er juin, et les femelles jusqu’au 9 juin.
Les concours pour jeunes pigeonneaux commencèrent à la mi-mai. Ils furent donc entraînés et joués plusieurs fois alors qu’ils étaient encore sous le système d’obscurcissement.
Je tiens à souligner que mes jeunes pigeons ont été progressivement préparés jusqu’à 70 km, avec au moins dix lâchers avant leur premier concours.
Tous les entraînements avaient lieu le matin.
Pendant cette période, je n’ai pratiquement perdu aucun pigeonneau.
Plus les jeunes soumis à l’obscurité effectuent de lâchers, mieux c’est. On ne peut jamais trop les entraîner.
Des débuts prometteurs
Lors du premier concours à Quiévrain (116 km, le 19 mai, lâcher à 9h), les arrivées furent fantastiques :
premier, troisième, cinquième, etc., et surtout, aucune perte à déplorer.
Une semaine plus tard, de nouveau à Quiévrain, le résultat fut encore meilleur.
Les pigeons rentraient un peu lentement (trop nourris la veille), mais la moitié figurait encore dans la première moitié du résultat.
Le troisième concours, à Noyon (225 km), eut lieu le 1er juin.
J’avais enlogé 65 jeunes encore soumis à l’obscurité de 17h à 8h.
Le temps n’était pas bon, le lâcher fut retardé à 11h30, et 14 jeunes ne rentrèrent pas.
En me renseignant, je constatai que les pigeonneaux non obscurcis étaient presque tous rentrés sans problème, tandis que plusieurs colombiers utilisant l’obscurcissement avaient connu de lourdes pertes.
Décision : arrêter le système pour les jeunes mâles
Dès ce jour, j’ai décidé d’interrompre l’obscurcissement pour les jeunes mâles.
Une semaine plus tard, le 8 juin, j’ai enlogé 23 jeunes femelles, toujours dans l’obscurité.
Le lâcher à 14h30 s’annonçait mal : seules 6 femelles sur 23 rentrèrent le jour même.
Le lendemain, 8 revinrent, mais 9 manquaient toujours.
Les jeunes qui revinrent avaient beaucoup volé, comme le montraient leur perte de poids et la légère courbure des rémiges.
J’ai donc arrêté immédiatement le système pour les femelles également.
Une reprise réussie avec la lumière naturelle
Le 15 juin, j’ai enlogé 12 pigeonneaux pour Marne (305 km), choisis parmi les moins prometteurs.
Certains profitaient déjà de la lumière naturelle depuis 8 à 14 jours.
Le lâcher eut lieu à 6h40, sous une chaleur accablante.
Malgré cela, mes 12 jeunes rentrèrent sans encombre.
Conclusions d’expérience
Ces conclusions reposent uniquement sur l’observation et l’expérience.
Je suis convaincu que les jeunes pigeons élevés sous obscurcissement sont perturbés lors des lâchers retardés.
Ils rencontrent alors de grandes difficultés d’orientation :
la ligne droite entre le lieu de lâcher et le colombier devient un véritable labyrinthe.
Mes jeunes, habitués à l’obscurité de 17h à 8h et à des lâchers vers 9h, perdent leurs repères lorsqu’ils sont libérés beaucoup plus tard.
Avec un autre schéma d’obscurcissement, les résultats peuvent varier, mais dans mon cas, les pigeonneaux se perdent plus facilement lorsque le lâcher est retardé.
Ce que je ferai différemment
En 1997, les pigeonneaux seront maintenus dans l’obscurité uniquement jusqu’à fin avril.
Ainsi, à la mi-mai, lorsqu’ils commenceront les concours, ils auront déjà bénéficié de deux semaines de lumière naturelle — ce que je considère comme le strict minimum.
Trois semaines seraient encore plus prudentes.
Si je garde les femelles plus longtemps dans l’obscurité, je commencerai plus tard avec elles.
Pour les entraînements, cela ne pose aucun problème : le temps est souvent favorable, et les séances se font toujours le matin.
Autres constatations utiles
Les jeunes précoces muent très vite leurs petites plumes après le sevrage.
Lorsqu’ils sont placés dans l’obscurité dès le sevrage, la mue se déroule de manière assez uniforme.
En revanche, ceux placés dans l’obscurité à partir de début mars muent plus longtemps.
Ce phénomène n’a, selon moi, aucune influence sur leurs performances futures.
Le 25 août 1996, les 12 jeunes femelles restantes étaient encore bien en plumes.
Début septembre, elles commencèrent une forte mue, même celles encore sur six pennes.
Elles furent jouées jusqu’à la fin de la saison avec le système de la porte coulissante, jamais sur nid.
Au dernier concours de La Souterraine (7 septembre), j’ai eu du mal à trouver quatre femelles à enloger.
Trois rentrèrent « en bikini », et une seule encore bien emplumée.
C’est ainsi que se termina la saison 1996, avec une victoire au premier prix à La Souterraine, au Club de Fond de la Campine.
Les jeunes femelles terminèrent la saison sur des distances de 500 à 600 km.
Celles restées à la maison étaient envoyées le dimanche à Quiévrain pour rester en mouvement.
Certaines étaient d’excellentes voyageuses, mais ne rentraient pas très tôt.
Encore une fois, cela prouve que la vitesse est une spécialisation :
il faut de bons pigeons, mais la motivation et le colombophile jouent aussi un rôle déterminant.
A. Roodhooft
Notices :
André Roodhooft estime que les jeunes pigeons soumis au système d’obscurcissement doivent être entraînés aussi souvent que possible.
Il a observé que ces pigeons, « manipulés » par ce système, rencontrent beaucoup plus de difficultés à s’orienter lorsqu’ils sont lâchés plus tard dans la journée.
Le pigeonnier des jeunes, situé à la Station d’Élevage, est celui où André Roodhooft a remporté de très beaux résultats sur Orléans, Bourges, Argenton et La Souterraine.
[ Source: Article édité par M. André Roodhooft – Revue PIGEON RIT ]
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Les pertes des pigeonneaux – juin 1995

