29 novembre 2022 Par admin

La sélection et l’orientation de pigeon voyageur

Débutant:
Tu m’avais dit, lors de notre dialogue récent, qu’il n’était pas certain qu’en colombophilie tout soit incertain. Mais n’y a-t-il pas certains critères pour juger le physique du pigeon voyageur qui soient approximativement certains?

Victor:
Très bonne question et je voudrais te dire un mot de certains critères que mon ami André Février jugeait fondés par son immense expérience de colombophile et de grand champion. André voyait le bon pigeon de la façon suivante:
1° pigeon moyen au corps comme une poire: dos légèrement bombé
2° plumage très soyeux
3° souplesse extrême de l’aile
4° le pigeon doit glisser dans les mains
5° vous ne devez pas l’entendre voler lorsque vous le lâchez de vos mains
6° beaucoup de vitalité

Débutant:
On peut en reparler… mais l’orientation, n’est-elle pas une qualité qui prime toutes les autres?

Victor:
D’accord. Mais comment juger de l’orientation?
Je ne suis pas un scientifique comme notre éminent collaborateur le professeur Van Grembergen.
Pour moi, l’orientation est un instinct inné. Tous les animaux ont d’ailleurs des instincts innés sinon ils ne survivraient pas. Et ici la philosophie de la nature peut approcher de la solution du problème. Il est probable qu’en pénétrant dans le domaine de l’infiniment petit, où la matière participe en quelque mesure à l’invisibilité de l’esprit, on se trouve devant l’inconnaissable, comme l’aurait dit le philosophe Emmanuel Kant dans sa “Critique de la Raison pure”.
Les rationalistes et les positivistes ont ici de quoi se quereller! L’expérience nous apprend que l’instinct peut être développé -quoique inné.

Débutant:
Tous les pigeons peuvent donc s’orienter d’après toi, mais le colombophile peut développer cet instinct chez le pigeon par les acquis de son expérience. Les entraînements p.ex. peuvent aiguiser l’orientation.
D’autre part j’ai constaté qu’avec l’âge cet instinct de l’orientation s’améliorait. Suis-je dans le vrai?

Victor:
Certainement. Mais il y a pourtant certains pigeons qui, à mon avis, disposent, dès le départ, d’une meilleure orientation que les autres.
Dans la nature ce ne sont pas toujours les plus forts qui survivent, mais les plus intelligents, c.-à-d. ceux qui savent le mieux s’adapter aux circonstances et y survivre. Un fil ascendant se manifeste ainsi dans le monde naturel par cette sélection.
Il y a pourtant chez ceux qui survivent certains individus exceptionnellement doués. Parmi les pigeons ce sont alors des vrais “cracks”, des “super” comme disent les colombophiles. La supériorité de certaines races ne tient pas à leur physique, mais à leur meilleure faculté d’orientation.

Débutant:
Mais il y a aussi le “reste”, c.-à-d. les qualités physiques dont parle André Février.

Victor:
Certainement. Lorsque André Février dit qu’il aime des pigeons en forme de poire, comme le disait également le Dr. Bricoux, c’est du fait que ces pigeons ont une musculature très développée, et qu’on peut constater entre ce que les colombophiles appellent les “épaules” et qui actionnent les ailes.

Débutant:
A propos du Dr. Bricoux, celui-ci doit avoir eu peu de déchets dans son élevage, puisqu’il disposait d’une même race, ses fameux rouges, qui pouvaient automatiquement transmettre leurs qualités.

Victor:
Là tu te trompes, car il n’y a pas de race Bricoux “pure”. Ses pigeons provenaient d’un mélange de différentes races. C.-à-d. les Hirion de Jemeppe sur Sambre. Les Beeckman de Bruxelles, les Carlier de Binche. Les Baclène de Walcourt. Les Rousseau de Jemeppe. La race Bricoux, c’était la main et l’oeil du maître.

Débutant:
Les “poires”, c’est donc lui qui les choisissait. Et nous, pauvres amateurs crédules, nous sommes les poires… à croire à une race pure!

Victor:
Moi, je n’y crois plus. Même une race qu’on dit très “pure” et qui ferait leur qualité, la race des frères Janssen d’Arendonk est de loin une race pure. Leur “Oude Blauwe”, le “Jong Duifke”, le “oude Witoger”, le “Bleu 48”, la “Schoon licht de 51”, le “Traage”, la “Fille Porthos”, la “Halve Fabry”, le “Oude Donkere”, le “Stier de 55”, le “Bange”, la “Kleintje”, la mère du “Jonge Merckx”. Tous ces pigeons sont des “croisés”. La race Janssen, ce sont les frères Janssen qui l’ont façonnée. En triant leurs pigeons sur des concours de vitesse, ils ont sans doute opéré une sélection sévère de leur pouvoir d’orientation. La leçon est simple: la main la plus sévère, et l’observation du colombophile constituent la valeur d’une race.

Débutant:
Après cet exposé, je tâcherai de ne pas être une “poire”. Mais passons maintenant au plumage très soyeux porté au maximum, qu’exigeait André Février chez ses pigeons.

Victor:
Il y a beaucoup à dire à ce sujet et nous pourrions y consacrer un prochain dialogue.

Noël De Scheemaecker

Notice:

André Février de Wavrin fut durant de très longues années un des meilleurs colombophiles français. Il avait connu et fréquenté tous les grands champions belges et français. C’était avant tout un homme de la pratique et un observateur hors pair. Pour André le bon pigeon au point de vue physique devait avoir les qualités suivants:
– type moyen, corps en forme de poire
– plumage extrêmement soyeux
– aile très souple
– un corps qui glisse dans les mains – grande vitalité Et il ajoutait (en bon observateur); lorsqu’on lâche un pigeon (au colombier) on ne peut pas l’entendre voler.
Pour Noël De Scheemaecker, l’orientation chez le pigeon est un instinct inné, qui doit être développé par l’entraînement. Les acquis de l’expérience sont en effet importants et essentiels dans la navigation qui permet au pigeon de rejoindre son habitat à partir d’un point de lâcher. Tout Part dans cette navigation consiste à suivre la route la plus courte et de ne pas trop s’écarter de la ligne droite qui relie le point de lâcher au colombier. C’est le propre du “crack” dont rêve chaque colombophile.

[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ]